Les Britanniques ont tranché : ils quitteront l'Union européenne, un désaveu cinglant pour la construction européenne qui a plongé les marchés mondiaux dans la tourmente et coûté son poste au premier ministre conservateur David Cameron.

Selon les résultats définitifs, 51,9 % des électeurs ont voté pour le Brexit lors du référendum organisé jeudi, marqué par une forte participation (72,2 %).

Frappés de plein fouet, les marchés mondiaux ont été gagnés par la panique, les Bourses de Londres, Paris, Francfort plongeant avec des valeurs bancaires en déroute, avant que l'onde n'atteigne Wall Street. « C'est l'un des plus gros chocs sur les marchés de tous les temps », a estimé Joe Rundle, analyste chez ETX Capital.

Les résultats montrent un pays divisé, avec Londres, l'Écosse et l'Irlande du Nord qui voulaient rester, tandis que le nord de l'Angleterre ou le Pays de Galles ont largement voté pour tenter l'aventure hors du giron européen.

Partisan du maintien dans l'UE, en première ligne pendant la campagne, le premier ministre conservateur David Cameron en a rapidement tiré les conclusions en annonçant sa démission lors d'une brève allocution devant le 10, Downing Street.

« Les Britanniques ont pris une décision claire (...) et je pense que le pays a besoin d'un nouveau leader pour prendre cette direction », a-t-il déclaré très ému, précisant qu'il resterait en poste jusqu'à l'automne et la désignation d'un nouveau leader par son parti.

M. Cameron, qui avait été à l'origine du référendum, a ajouté qu'il appartiendrait à son successeur de lancer la négociation avec l'UE sur le processus de sortie de son pays du club des 28, devenus 27.

« Coup porté à l'Europe »

Entré dans le bloc européen en 1973, le Royaume-Uni est le premier pays à le quitter après 60 ans de construction européenne.

Le départ de la cinquième puissance économique mondiale a fait plonger les marchés, mais aussi la livre britannique, et la Banque d'Angleterre a été obligée de faire savoir qu'elle était prête à débloquer 250 milliards de livres (326 milliards d'euros).

Ignorant les mises en garde du camp du maintien, les Britanniques ont préféré croire aux promesses de reconquête de leur indépendance vis-à-vis de Bruxelles, comme à celle d'arrêter l'immigration en provenance de l'UE.

Ils ont rompu avec un projet dans lequel ils étaient entrés à reculons, voyant dans l'UE avant tout un grand marché unique, sans s'engager dans le projet politique. « C'est le côté émotionnel qui l'a emporté », a constaté le Pr Iain Begg, de la London School of Economics.

La décision des Britanniques constitue un terrible désaveu pour une Union déjà affaiblie par la crise des réfugiés et la persistance de la crise économique.

« Le vote des Britanniques met gravement l'Europe à l'épreuve », a déclaré le président français François Hollande. « L'Europe ne peut plus faire comme avant », a-t-il ajouté.

Sur le même ton, la chancelière allemande Angela Merkel a regretté « un coup porté à l'Europe » et au « processus d'unification européenne », notant que l'UE était « confrontée à des populations qui ont des doutes quant à la direction qu'a pris le processus d'unification européenne ».

L'Italien Matteo Renzi a lui estimé essentiel de « rénover » la « maison Europe ».

Alors que les mouvements populistes prospèrent à travers l'Europe, le Brexit pourrait provoquer une réaction en chaîne.

Au vu des résultats britanniques, la chef de l'extrême droite française Marine Le Pen (FN) a immédiatement appelé à un référendum en France. Et le député d'extrême droite néerlandais Geert Wilders a réclamé la même chose pour les Pays-Bas.

En visite en Écosse, le candidat républicain à la présidentielle américaine, Donald Trump, a lui salué une nouvelle « fantastique ».

Sans surprise, le président Barack Obama, prenant acte du Brexit, a assuré que Londres et l'UE resteraient des « partenaires indispensables » des États-Unis.

Face au spectre d'une décomposition de l'UE, dirigeants et responsables européens se sont attelés sans tarder à l'après-Brexit.

Les chefs de la diplomatie des six pays fondateurs de l'Union doivent se réunir dès samedi à Berlin. Mme Merkel a également annoncé avoir invité lundi à Berlin François Hollande, Donald Tusk et Matteo Renzi avant un sommet à Bruxelles, mardi et mercredi.

Rassurer Gibraltar

Londres va à présent entrer dans un long tunnel de négociations avec l'UE sur les conditions de sortie, qui pourrait durer jusqu'à deux ans. D'ici là, le Royaume-Uni restera lié par les accords existants.

Les dirigeants des institutions de l'UE ont pressé vendredi le pays de lancer « dès que possible » cette procédure en se disant « prêts », le FMI insistant de son côté pour une transition « en douceur ».

Au Royaume-Uni, la démission de M. Cameron pose la question de sa succession, le chef de file conservateur de la campagne pro-Brexit Boris Johnson, ancien maire de Londres, étant pressenti pour le remplacer, à condition de pouvoir rassembler un parti et un pays divisés.

Sortant de chez lui, il a été hué et traité de « connard » par une foule de partisans de l'UE. S'adressant ensuite à la presse, il a estimé que la sortie de l'Union européenne devait se faire « sans précipitation ».

Le leader du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, a lui immédiatement appelé à la formation d'un gouvernement qui reflète le camp du « Leave ».

S'il menace l'économie du Royaume-Uni, le Brexit risque également de mettre en péril son intégrité : la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, chef des nationalistes du SNP, a ainsi déclaré vendredi que la possibilité d'un second référendum d'indépendance de sa région était désormais « sur la table ».

En Irlande du Nord, le Sinn Fein, favorable au maintien dans l'UE, a lui appelé à un référendum sur une Irlande unifiée. Et Madrid a estimé que le Brexit lui permettrait de récupérer Gibraltar, alors que Londres cherchait à rassurer les habitants de cette enclave britannique au sud de l'Espagne qui ont voté à plus de 90 % pour le maintien dans l'UE.

L'UE et le Royaume-Uni resteront des «partenaires indispensables», dit Obama

Le président américain Barack Obama a pris acte vendredi du Brexit, affirmant que le Royaume-Uni et l'Union européenne resteraient « des partenaires indispensables » des États-Unis.

« Les habitants du Royaume-Uni ont parlé et nous respectons leur décision », a indiqué, dans un bref communiqué, M. Obama qui avait pris très clairement position en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'UE.

« La relation spéciale entre les États-Unis et le Royaume-Uni s'inscrit dans la durée », souligne-t-il, ajoutant que la présence du Royaume-Uni au sein de l'OTAN « reste une pierre angulaire » de la politique étrangère américaine.

Insistant sur la relation également cruciale des États-Unis avec l'UE, il souligne le rôle joué par l'Union « pour promouvoir la stabilité, stimuler la croissance économique et favoriser la diffusion des valeurs et des idéaux démocratiques à travers le continent et au-delà ».

Fin avril à Londres, M. Obama s'était directement investi dans la bataille du référendum en se livrant à un vibrant plaidoyer en faveur du maintien de son allié britannique au sein de l'UE et en mettant en garde contre les conséquences d'un Brexit.

« L'Union européenne ne diminue pas l'influence britannique, elle l'amplifie », avait-il avancé.

Le Royaume-Uni « perdrait de son influence mondiale » s'il décidait de quitter l'UE, avait-il lancé.

« Certains pensent peut-être qu'il y aura un accord de libre-échange États-Unis/Royaume-Uni, mais cela n'arrivera pas de sitôt (...). Le Royaume-Uni sera en queue de peloton », avait-il prévenu lors d'une conférence de presse avec le premier ministre britannique David Cameron, qui a annoncé vendredi sa démission.

Ses commentaires avaient été très vivement critiqués par le camp pro-Brexit, qui avait dénoncé l'« ingérence » du président américain et son « hypocrisie ».