Plusieurs dirigeants européens ont lancé mercredi d'ultimes mises en garde aux Britanniques contre un Brexit, à la veille d'un référendum sur l'Union européenne aussi indécis que déterminant pour l'avenir du Royaume-Uni et du reste de l'Europe.

À J-1, deux sondages en ligne donnaient une très légère avance aux partisans d'une sortie de l'UE et toujours beaucoup d'indécis, alors que la possibilité d'un Brexit («British Exit») plonge dans l'angoisse Bruxelles, les milieux économiques et la quasi-totalité des dirigeants de la planète.

Selon Opinium, 45% des sondés étaient pour une sortie, 44% pour un maintien dans l'UE, mais 9% étaient toujours indécis et 2% préféraient ne pas se prononcer. Selon TNS, 43% étaient favorables au Brexit, 41% voulaient rester dans l'UE, et 16% étaient encore indécis.

Un troisième sondage pour le Daily Mail plaçait quant à lui le camp du maintien en tête (48%) contre 42% pour le camp du Brexit et 11% d'indécis.

À quelques heures du vote, un ultime débat télévisé a tenté de convaincre les plus de 10% d'indécis parmi les 46,5 millions d'électeurs britanniques confrontés à un choix historique.

Dans une grande cacophonie, une soixantaine de personnalités des deux bords -écrivains, politiciens, femme d'affaires, professeurs, médecins, artistes..- ainsi que quelques indécis ont partagé, souvent de façon acrimonieuse, leurs arguments.

«Je suis venue ici en étant perplexe et je suis encore plus déconcertée», a déclaré la mannequin Katie Price qui figurait parmi les indécis.

En cas de sortie, l'UE, qui observe avec inquiétude la montée de l'euroscepticisme, perdrait l'un de ses membres les plus puissants, cinquième économie mondiale, avec un siège permanent au Conseil de sécurité.

«C'est l'avenir de l'Union européenne qui se joue», a souligné dans la journée le président français François Hollande, évoquant une décision «irréversible».

«Une fois que vous avez sauté de l'avion, il est impossible de remonter à bord», a souligné le premier ministre britannique David Cameron, qui joue lui son avenir politique et sa place dans l'Histoire.

«Dehors c'est dehors»

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a mis en garde contre un «acte d'automutilation». «Dehors c'est dehors. Il n'y aura aucune nouvelle négociation» avec Londres, a-t-il dit.

Depuis des semaines, les principales institutions internationales mettent en garde contre des conséquences économiques graves, la Banque d'Angleterre évoquant même une possible récession au Royaume-Uni.

La directrice générale du FMI Christine Lagarde a prévenu mercredi qu'un vote en faveur du Brexit aurait «un impact» sur l'économie américaine.

Près de 1300 dirigeants d'entreprises - dont la moitié des poids lourds cotés à la Bourse de Londres -, ont à leur tour appelé à un maintien dans l'UE.

La Bourse de Londres a clôturé en légère hausse mercredi, dans un marché prudent, et la livre était également en très légère hausse.

Côté personnalités, après l'ex-footballeur David Beckham mardi, James Bond - en la personne de l'acteur Daniel Craig - et le groupe U2 ont souhaité mercredi une victoire du «Remain» (rester).

Le candidat républicain à la Maison-Blanche Donald Trump s'est quant à lui dit enclin au Brexit, avouant cependant n'avoir «pas trop réfléchi à la question».

La reine Elizabeth II, tenue à son devoir de réserve, s'est pour sa part abstenue de tout commentaire malgré les appels du pied insistants de la presse eurosceptique.

Le Parti national écossais (SNP), au pouvoir à Édimbourg, a répété qu'un Brexit entraînerait «inévitablement» un deuxième référendum sur l'indépendance de l'Écosse.

L'ombre de Jo Cox

Dans le camp du «Out», emmené par l'ex-maire de Londres Boris Johnson, on assure que tous ces cris d'alarme sont seulement destinés à «faire peur» inutilement.

Sillonnant le pays à bord d'un petit avion mercredi, Boris Johnson a dit attendre avec impatience de pouvoir décréter un «Independence Day» britannique.

«Demain, nous pouvons voter pour un vrai changement. Et d'autres nations vont nous suivre», a lancé le chef du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, à Londres.

Les pro-Brexit ont placé l'immigration au centre de leur campagne. Ils appellent à «reprendre le contrôle» des frontières du pays pour arrêter l'afflux de migrants en provenance de l'UE et mettent en garde contre une éventuelle adhésion de la Turquie.

Au fil des jours, la campagne a gagné en intensité, jusqu'à prendre des accents haineux. La tension a culminé jeudi dernier avec le meurtre de la députée pro-UE Jo Cox, tuée par un homme de 52 ans qui, lors de sa première comparution devant la justice, a déclaré: «mort aux traîtres, liberté pour le Royaume-Uni».

Personne n'en a déduit qu'il s'agissait d'un tournant déterminant dans la campagne même si les pro-Brexit, après trois jours de deuil et d'union nationale, ont accusé le camp d'en face de vouloir exploiter le drame.

De nouveaux hommages ont été rendus mercredi à Jo Cox, qui aurait dû fêter ses 42 ans ce jour même, à Londres, Paris, Beyrouth, Nairobi, New York et Alep, en Syrie.

La campagne a également mis en évidence une fracture générationnelle, les jeunes Britanniques se disant majoritairement pro-UE tandis que les plus âgés veulent en sortir. Londres, les grandes villes, l'Écosse et l'Irlande du Nord sont pour le maintien, tandis que la province anglaise penche vers un Brexit.