Face à un gouvernement inflexible, les opposants à la réforme du droit du travail en France étaient deux fois plus nombreux dans les rues jeudi que lors de leur dernière journée d'action, dans un climat toujours volatil.

Les organisateurs ont dénombré 400 000 manifestants dans l'ensemble du pays et les autorités 128 000, contre respectivement 220 000 et 68 000 mardi. Parallèlement, des grèves de cheminots et de routiers ont créé des perturbations, surtout dans l'ouest de la France.

« Et le premier ministre ose parler d'essoufflement ! », a raillé le syndicat contestataire CGT, à l'issue de cette septième journée de mobilisation depuis début mars.

Les opposants ont promis dans la soirée de nouveaux temps forts les 26 mai et 14 juin, avec grèves et manifestations.

Le chef du gouvernement Manuel Valls a critiqué la présence de « casseurs » dans les manifestations et réclamé des « sanctions implacables » contre les attaquants d'une voiture de police, incendiée à Paris mercredi en marge de ce mouvement social.

Il avait appelé les syndicats à « s'interroger sur la pertinence » de certaines manifestations et s'était dit prêt à faire lever par la force les blocages de ports, raffineries et aéroports.

« Il n'y aurait pas eu de manifestations et donc pas de casseurs s'il n'y avait pas eu de projet de loi », lui a répondu Jean-Claude Mailly, le numéro un de la centrale Force ouvrière.

Jeudi, le climat était « plus serein » à Paris, selon la police, qui a noté « peu de heurts et un degré moindre de violence » malgré quelques jets de projectiles et la dégradation d'agences bancaires.

Au niveau national, les forces de l'ordre ont procédé à 115 interpellations, dont 65 à Nantes et une vingtaine à Rennes, deux villes de l'ouest à la pointe de la contestation.

À Nantes, 800 personnes ont pris part à une manifestation interdite et les forces de l'ordre ont usé de grenades lacrymogènes pour les empêcher de rallier le centre.

La veille, les violences avaient franchi un cap avec l'attaque à Paris d'une voiture de police dans laquelle se trouvaient deux agents, sortis à la hâte du véhicule incendié par des casseurs. Cinq suspects étaient en garde à vue jeudi.

État d'urgence prolongé

Malgré la mobilisation dans la rue et la fronde d'une partie de son camp, François Hollande a exclu mardi de renoncer à sa réforme du droit du travail, passée en force la semaine dernière au Parlement, faute de majorité.

Le chef de l'État, dont la popularité est au plus bas à moins d'un an de la présidentielle, table sur ce projet pour déverrouiller le marché de l'emploi dans un pays au chômage endémique, autour de 10 %.

Mais ses détracteurs jugent le texte trop favorable aux employeurs et craignent qu'il n'aggrave la précarité des salariés. Après un essoufflement fin avril, leur mobilisation a repris de la vigueur cette semaine avec des grèves de routiers et de cheminots.

Zones industrielles, raffineries et dépôts pétroliers : des blocages de points stratégiques étaient recensés jeudi près de Marseille, Valenciennes et dans le quart nord-ouest de la France, où un cinquième des stations-service Total étaient en rupture de carburants, selon le groupe pétrolier.

Le trafic ferroviaire était fortement perturbé au niveau national, au deuxième jour de grève de cheminots. Un appel à la grève des aiguilleurs du ciel affectait plus légèrement le trafic aérien.

Les violences des dernières semaines attisent une polémique sur la gestion du maintien de l'ordre par le gouvernement, accusé de laxisme par la droite ou soupçonné par certains à gauche de vouloir discréditer le mouvement social.

Dans ce contexte tendu, le Parlement a prolongé pour la troisième fois l'état d'urgence décrété après les attentats du 13 novembre à Paris, jusqu'à fin juillet.