La chancelière allemande Angela Merkel, huée par des extrémistes, a promis mercredi de lutter sans «tolérance» contre les actes xénophobes en pleine crise migratoire européenne, tandis qu'une quarantaine de cadavres de migrants ont encore été retrouvés en Méditerranée.

De son côté, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a invité mercredi à Paris «les pays, en Europe et ailleurs, à faire preuve de compassion et à faire beaucoup plus pour venir à bout de la crise» migratoire, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale.

Pour faire face à la situation, le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et le Haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, ont appelé mercredi à créer d'urgence des «hotspots», des centres d'accueil et de tri financés par Bruxelles pour distinguer les réfugiés des migrants économiques.

Angela Merkel a promis qu'elle ne ferait preuve d'«aucune tolérance vis-à-vis de ceux qui remettent en question la dignité d'autrui» lors d'une visite à Heidenau, théâtre d'«abjectes» violences selon ses mots, entre policiers et extrémistes durant le week-end autour d'un foyer de réfugiés.

Avant, pendant et après sa brève allocution, la chancelière a été conspuée par des sympathisants d'extrême droite scandant notamment «traîtresse». Tenus à distance par la police, ces militants s'étaient mêlés à des badauds, formant un groupe d'environ 200 personnes.

L'Allemagne attend 800 000 demandes d'asile en 2015, soit quatre fois plus que l'année précédente. 60% des Allemands (sondage de la chaîne ZDF du 21 août) jugent que le pays a les moyens de les accueillir, mais l'extrême droite multiplie les coups d'éclat.

Deux incidents ont encore eu lieu dans la nuit, qui n'ont pas fait de blessé. A Leipzig (Saxe, est), un engin incendiaire a visé un bâtiment devant accueillir 56 demandeurs d'asile. A Parchim (nord-est), deux hommes ivres armés d'un couteau ont pénétré dans un centre d'accueil.

Une cinquantaine de corps dans une cale  

Dans une nouvelle journée noire en Méditerranée, 55 cadavres de migrants ont été découverts à bord de trois embarcations, dont 51 se trouvaient dans la cale de l'une d'elles, alors que 3000 migrants ont été secourus, selon les gardes-côtes italiens.

De nombreux appels au secours sont parvenus au centre opérationnel des gardes-côtes à Rome, détaillent-ils dans un communiqué. Dix opérations de sauvetage ont été lancées pour récupérer des naufragés à bord d'embarcations ou de canots pneumatiques en difficulté, dans le canal de Sicile et non loin des côtes libyennes.

Le navire suédois Poseidon, engagé dans l'opération européenne Triton, est intervenu à deux reprises pour secourir respectivement 130 et 439 personnes à bord de deux barques. Dans la cale de cette dernière barque, l'équipage suédois a retrouvé les cadavres de 51 personnes, dont les nationalités n'ont pas été révélées.

Les victimes seraient mortes asphyxiées par les émanations de gaz du moteur du petit bateau, selon des informations de presse non confirmées.

Le Fiorillo, bâtiment des gardes-côtes, a par ailleurs secouru 113 immigrants sur un canot, dont l'un n'a pas survéçu.

Deux vedettes des gardes-côtes venus de l'île de Lampedusa ont porté secours à 120 autres sur un autre canot pneumatique, dans lequel les cadavres de trois femmes ont été découverts.

Des bateaux de l'organisation maltaise MOAS et de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) ont pris part aux secours, alors que des passeurs sans scrupule continuent à faire monter chaque jour sur des bateaux de fortune des migrants, notamment d'Afrique sub-saharienne, qui fuient l'anarchie et les violences en Libye.

Ce n'est pas la première fois que des cadavres sont retrouvés à bord de bateaux, morts d'épuisement ou asphyxiés, après avoir été maltraités. Le 15 août, la marine italienne avait découvert les cadavres de 49 migrants, morts asphyxiés dans la cale d'une barque de 13 mètres, où ils avaient été maintenus par les passeurs à coups de pieds et poings.

Par ailleurs, les corps de 45 des 740 victimes d'un bateau de pêche qui avait coulé le 18 avril dernier en Méditerranée ont été ensevelis dans un cimetière près de Catane, a indiqué la municipalité sicilienne.

Des plongeurs italiens, après la découverte de l'épave au large des côtes libyennes, avaient dégagé les corps et les avaient ramenés sur un ponton de l'OTAN en Sicile.

Ce naufrage avait été un des pires survenus en Méditerranée, beaucoup des victimes étant serrées dans les cales sans moyen de s'en dégager au moment où le chalutier avait coulé à pic. La plupart des victimes sont restées inconnues.

Schengen menacé? 

Confrontées à l'arrivée massive de ces migrants, l'Italie, la Grèce ou la Hongrie se sont vu reprocher par certains de leurs partenaires de les laisser passer.

Répondant aux critiques, le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni, a qualifié mercredi son pays de «modèle positif» sauvant «des dizaines de milliers de vies humaines» en Méditerranée.

«L'Europe a besoin d'aller dans la direction exactement opposée à celle qui consiste à taper sur les pays situés sur sa frontière extérieure», a insisté le ministre, militant pour une «européanisation de la gestion des flux».

«Les migrants arrivent en Europe, pas en Italie, en Grèce, en Allemagne ou en Hongrie. Au train où vont les choses, on risque de remettre Schengen en cause», a-t-il prévenu.

Un vice-premier ministre tchèque Andrej Babis a lui appelé à la «fermeture» de la frontière extérieure de l'espace Schengen pour «défendre» cette zone de libre circulation.

Les 28 n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une répartition équitable des demandeurs d'asile et peinent aussi à mettre en place les centres censés soulager les pays de première entrée pour faire le tri entre migrants économiques et réfugiés.

Berlin a néanmoins fait savoir mardi avoir suspendu de longue date le renvoi des Syriens vers leur pays d'entrée de l'UE, un geste de «solidarité» salué par Bruxelles.

PHOTO AP

Le Fiorillo a secouru 113 immigrants sur un canot.