Viktor Orban, l'homme qui domine sans partage - et polarise - la politique hongroise depuis 2010, a connu dimanche une défaite symbolique qui fait douter son camp.

Le parti Fidesz au pouvoir «a besoin d'une nouvelle stratégie», a réagi le commissaire européen hongrois Tibor Navracsics, après la perte d'une élection partielle qui prive M. Orban de sa «super-majorité» des deux tiers au Parlement.

Cette majorité qualifiée, dont le dirigeant conservateur bénéficiait depuis son arrivée au pouvoir en 2010, ne tenait qu'à un siège. Elle lui a permis de réformer de façon controversée la Constitution hongroise, et de nommer des proches à de nombreux postes-clés.

Elle a également facilité l'adoption de réformes profondes de la justice, des médias et de l'économie, qui ont été jugées liberticides par l'opposition et largement critiquées à l'étranger.

Réélu triomphalement au printemps dernier, Viktor Orban a depuis chuté fortement dans les sondages, conséquence notamment d'un projet avorté de taxer les téléchargements sur l'internet, et d'accusations de corruption touchant le Fidesz. De nombreuses manifestations se sont succédé à partir d'octobre dans les grandes villes du pays.

Un admirateur de Poutine

M. Orban se voit aussi reprocher sa proximité avec Vladimir Poutine, qu'il a reçu à Budapest mardi 17 février.

Le dirigeant hongrois, régulièrement accusé de dérives autoritaires et populistes, cite la Russie comme un modèle de «démocratie non libérale» et ne cache pas son admiration pour le président russe.

Or, l'opinion hongroise, y compris les électeurs du Fidesz, est fortement attachée à l'ancrage occidental et européen du pays. Et la veille de la visite du chef du Kremlin, 2000 personnes ont défilé à Budapest aux cris de «Oui à l'Europe, non à Poutine».

La défaite à la partielle de Veszprem (ouest) contre un candidat indépendant soutenu par la gauche n'indique toutefois «pas un effondrement du parti», souligne pour l'AFP l'expert Csaba Toth.

Le Fidesz et son petit allié, le parti chrétien-démocrate, conservent une très large majorité. L'opposition de gauche reste divisée, et l'extrême droite du Jobbik ne profite pas des difficultés du parti au pouvoir.

M. Orban a réagi a minima au scrutin, écrivant sur sa page Facebook qu'il respectait le choix des électeurs de Veszprem et que «nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers».

Le Fidesz garde le contrôle

Il s'était efforcé par avance de limiter l'enjeu du vote, affirmant qu'il n'avait pas de projet législatif requérant une «super-majorité» pour les trois ans de mandat qui lui restent. Tous les analystes notent d'autre part que le Fidesz pourra encore facilement réunir, en cas de besoin, des «super-majorités» de circonstances au Parlement.

Le Fidesz garde le contrôle, mais le résultat de Veszprem a «une importance symbolique énorme», juge toutefois pour l'AFP la politologue Kornelia Magyar.

Selon elle, «il est clair que quelque chose a changé dans la société depuis octobre. Le Fidesz a réagi en tentant de dominer l'agenda politique avec des thèmes conservateurs, comme la fermeture des magasins le dimanche, ou une rhétorique de plus en plus hostile aux immigrés. Cela a permis de ralentir sa baisse de popularité, mais pas de renverser la tendance».

Le blogueur conservateur Akos Balogh, interrogé par l'AFP, demande «une rectification» de la part du Fidesz : «Le parti pourrait décider de devenir moins agressif, mais cela sera difficile parce que la confrontation est dans l'identité du parti, et que cette stratégie a longtemps fonctionné».

Magyar Nemzet, le porte-étendard des journaux pro-Orban, invite lundi Viktor Orban à rebondir sur «l'échec» de Veszprem.

«Le premier ministre a le pouvoir de corriger les politiques du gouvernement et d'opérer un changement personnel», écrit l'éditorialiste du quotidien : «Il a intérêt à le faire, parce que l'érosion du soutien au Fidesz donne matière à réflexion».