La campagne pour le référendum d'indépendance écossais se poursuivait en fanfare samedi avec l'irruption ultra controversée et potentiellement contre-productive dans les rues d'Édimbourg de quelque 15 000 Orangistes, des protestants radicalement opposés à l'éclatement du Royaume-Uni.

Baptisée «Fiers d'être britanniques», la mobilisation orangiste --dont l'action nationaliste et anti-catholique au fil des années a toujours été de s'opposer à l'émancipation des provinces du Royaume-Uni-- a défilé sous un soleil éclatant dans les rues de la capitale écossaise.

«Nous sommes venus aujourd'hui pour montrer notre force, a déclaré à l'AFP Craig Martin, tout juste arrivé de Glasgow, à cinq jours du référendum.

Des dizaines de bus en provenance de toutes les villes d'Écosse --une terre comptant 32 % de protestants et 16 % de catholiques et près de 37 % s'affichant sans religion--, mais aussi d'Irlande du Nord, d'Angleterre et du pays de Galles, ont convergé en début de matinée au Meadows, un vaste parc posé au pied du château d'Édimbourg.

Les Orangistes étaient en tenue d'apparat, drapeau de l'Union Jack au vent, accompagnés de dizaines de petites fanfares militantes.

Au Meadows, les grands maîtres des principales loges orangistes --particulièrement puissantes en Irlande du Nord, mais représentées dans tout le Royaume-Uni-- se sont adressés à la foule.

«Aujourd'hui, nous sommes rassemblés ici à Édimbourg pour faire entendre notre retentissant non» à l'indépendance, a ainsi harangué Henry Dunbar, grand maître de la loge écossaise, sous les applaudissements de ses troupes qui chantaient le God Save The Queen et s'époumonaient dans leurs cornemuses.

«Nous sommes une famille depuis plus de 300 ans, nous vivons ensemble, nous travaillons ensemble, nous dormons ensemble et je ne vois pas pourquoi ça devrait changer», a confié à l'AFP George Atkin, un ancien soldat ayant servi en Irlande du Nord.

«Bâtard de socialiste»

Le cortège s'est ensuite ébranlé pour traverser le centre-ville, sous les yeux de milliers de badauds, de touristes et surtout de sympathisants du non.

Aucun incident n'était à déplorer le long du parcours, placé sous forte protection policière. Mais Mark Ralton s'est senti «fortement menacé» lorsqu'il s'est trouvé au milieu de la manifestation avec son pins pro-indépendance épinglé au revers de sa veste.

«On m'a bien fait comprendre que je n'avais rien à faire là. On m'a traité de bâtard de socialiste, c'était assez effrayant», a déclaré cet homme de 44 ans à l'AFP.

Du côté de la campagne officielle pour le non «Better Together», on s'est bien gardé de s'associer à la manifestation orangiste, affichant pour programme principal, samedi, le déplacement de l'ancien premier ministre travailliste Gordon Brown dans l'est du pays.

«On ne veut rien avoir à faire avec eux», avait déclaré le député travailliste Jim Murphy en juillet lorsqu'un enfant de douze ans a reçu une bouteille sur la tête lors d'une précédente parade orangiste à Glasgow.

Nombre d'Écossais favorables au maintien dans le Royaume-Uni voyaient aussi d'un oeil inquiet les tentatives extérieures à la province --aux possibles effets pervers-- qui chercheraient à dicter aux quelques quatre millions d'électeurs ce qu'ils doivent faire.

Cela vaut pour les visites du premier ministre conservateur David Cameron, du chef de l'opposition Ed Miliband ou celle vendredi du leader de l'Ukip, Nigel Farage. Mais aussi pour ce défilé controversé.

«Si ce défilé doit avoir un impact, il profitera surtout au camp du oui. Les gens ici en ont marre de s'entendre dire ce qu'ils doivent voter. Ceux qui défilent aujourd'hui représentent Westminster et c'est exactement ce qu'on ne veut plus», soulignait samedi Paul Gammon, 43 ans.

«Il est vrai que certaines personnes au sein de "Better Together" sont embarrassées par cette parade, mais je ne crois que cela va affecter le vote. Les gens vont se faire une idée par eux-mêmes», a estimé pour sa part Ginger Fraser, partisane du non, en se voulant rassurante.

Du côté des indépendantistes, Nicola Sturgeon, numéro 2 du Scottish National Party (SNP), a lancé aux électeurs: Croyez en vous-mêmes et en l'Écosse»!

Pour ce dernier week-end de campagne, les partisans du oui ont également annoncé mener leur plus importante mobilisation avec la distribution au domicile des Écossais de 2,6 millions de tracts détaillant leurs arguments pour l'indépendance.

Les célébrités britanniques majoritairement réticentes à l'indépendance écossaise

J.K Rowling, Paul McCartney, Mick Jagger ou David Bowie, nombre de célébrités britanniques se sont engagées en faveur du maintien de l'Écosse au sein du Royaume-Uni même si le camp du oui peut compter sur Ken Loach ou Sean Connery.

L'ancien Beatle Paul McCartney a été l'un des derniers à prendre parti en faveur du non au référendum du 18 septembre en signant une lettre ouverte appelant à voter pour un maintien de l'Écosse au sein du Royaume-Uni.

Cette lettre, publiée pour la première fois le 7 août dans la presse britannique, a été signée par plus de 200 personnalités, dont la rock star Mick Jagger, l'astrophysicien Stephen Hawking, l'actrice «james bondienne» Judi Dench, et des stars de Hollywood comme Helena Bonham-Carter ou Michael Douglas.

Mais l'une rare des célébrités à avoir expliqué en détail les raisons de son engagement en faveur du camp du non est l'auteure de la saga Harry Potter, J.K Rowling qui a donné un million de livres à la campagne du non.

J.K Rowling, née en Angleterre, mais qui vit à Édimbourg depuis 21 ans et a épousé un Écossais, a expliqué longuement sur son site internet www.jkrowling.com les raisons de son choix, suscitant nombre d'insultes sur Twitter.

Nous ne serons jamais «plus populaires ou en meilleure position pour dicter nos conditions que si nous votons pour rester» au sein du Royaume-Uni, a-t-elle fait valoir.

Sur un ton plus humoristique, l'acteur Mike Myers, célèbre pour ses rôles dans Austin Powers ou Wayne's World, s'est glissé dans la peau de Shrek, l'ogre du dessin animé à qui il prête sa voix, pour exprimer sa position.

«Shrek veut ce que veut le peuple écossais. J'aime l'Écosse. J'espère qu'ils vont rester dans le Royaume-Uni. Mais si ce n'est pas le cas, je continuerais à les aimer quand même», a-t-il déclaré.

L'actrice Emma Thomson s'est, elle, interrogée, sceptique: «à quoi bon créer une nouvelle frontière?»

Figurent également dans le camp du non, les chanteurs Sting, Cliff Richard, Bryan Ferry, David Gilmour, Rod Stewart ou David Bowie qui avait choisi les derniers Brit Awards pour fait lire par la top model Kate Moss son message «Scotland stay with us».

James Bond pour l'indépendance

Les soutiens indépendantistes, moins fournis, comptent néanmoins des personnalités comme l'ancien James Bond, Sean Connery, qui a jugé qu'il s'agissait «d'une opportunité trop belle pour passer à côté».

L'acteur à l'avant-bras tatoué «Scotland forever» fait partie des nombreuses personnalités écossaises qui ne pourront toutefois pas voter au référendum du 18 septembre parce qu'elles ne résident plus en Écosse.

Le réalisateur anglais Ken Loach, réputé pour ses chroniques sociales et son engagement à gauche, a lancé aux Ecossais: «Allez-y, foncez. D'autres pays colonisés ont affirmé leur indépendance avant vous».

À ses côtés figurent plusieurs acteurs écossais qui ont fait carrière à Hollywood, dont Gerard Butler (300, Lara Croft, Le Fantôme de l'Opéra...) et Alan Cumming (The Good Wife, James Bond, X Men...).

Egalement partisans du oui, l'acteur britannique Russell Brand, l'acteur-réalisateur Peter Mullan, l'écrivain Irvine Welsh, auteur notamment de «Trainspotting», ou encore la créatrice de mode Vivienne Westwood.

Restent les indécis et les prudents.

La chanteuse écossaise Annie Lennox, ex-pilier d'Eurythmics, a jugé la «question complexe» et a douté que «sa vision puisse compter».

L'acteur écossais James McAvoy (X Men, Narnia, le Dernier roi d'Écosse...) qui refuse également de dévoiler son choix, a apporté un peu de légèreté en appelant Alex Salmond et Alistair Darling, les deux chefs des campagnes du oui et du non à l'indépendance, à relever le «Ice Bucket Challenge» en se versant un bac d'eau glacée sur la tête au bénéfice de l'association de lutte contre la Sclérose latérale amyotrophique.

Les deux politiciens se sont soumis à l'exercice, Alex Salmond appelant à son tour David Cameron à faire de même. Pour l'heure, le premier ministre s'est abstenu. Mais il n'échappera peut-être pas à la douche froide le 18 septembre.