Les médecins portugais ont entamé mardi une grève de deux jours pour protester contre les coupes budgétaires qui frappent le service public de santé, un des acquis de la Révolution des Oeillets menacé selon eux par la politique d'austérité.

Plusieurs centaines de médecins en blouse blanche, mais aussi des patients, ont manifesté devant le ministère de la Santé à Lisbonne, pour dénoncer le «démantèlement du système de santé» et les fermetures de services dans les hôpitaux publics.

«Il faut défendre cette grande conquête de la Révolution d'avril 1974 qu'est le Service national de santé», a déclaré Maria Merlinde Madureira, présidente de la Fédération nationale des médecins (FMAM), à l'origine du mouvement.

«Non à la destruction du service national de santé» et «Accès à la santé pour tous et non seulement pour ceux qui peuvent payer», pouvait-on lire sur les banderoles brandies par les manifestants.

«Le gouvernement est en train d'anéantir notre système de santé, on manque d'effectifs et de matériel», a accusé Claudio Quintaneiro, 31 ans, médecin hospitalier à Figueira da Foz, qui compte émigrer en Australie pour travailler dans de meilleures conditions.

La FNAM a chiffré en fin de journée à «environ 90 %» la participation à cette grève qui est soutenue par l'Ordre des médecins et a été suivie surtout par les praticiens hospitaliers.

Tout en se défendant de vouloir entrer dans «une querelle de chiffres», le ministère de la Santé a contesté ces estimations, rappelant que l'adhésion des médecins à des grèves n'avait jamais dépassé les 28 % dans le passé.

Sans doute en raison de l'absence de l'autre grande organisation du secteur, le Syndicat indépendant des médecins (SIM), la participation à la manifestation paraissait en retrait par rapport à la dernière organisée en juillet 2012 qui avait mobilisé 4000 personnes selon les organisateurs.

Opérations reportées

Un service minimum était assuré dans les services d'urgence, les unités de soins intensifs et les centres de radiothérapie. La grève a toutefois entraîné le report de milliers de consultations et d'opérations chirurgicales.

Bettina Schmidt, 50 ans, chirurgienne d'origine allemande qui travaille dans un hôpital à Cascais près de Lisbonne, a ainsi prévu de ne pas opérer mercredi. Pour elle, «le gouvernement veut privatiser le service public et va plus loin que les coupes demandées par la troïka» (UE-FMI-BCE) des créanciers du Portugal.

Détérioration des conditions de travail dans les centres de soins et hôpitaux publics, suppressions d'effectifs, allongement du temps de travail, coupes salariales... Les motifs de mécontentement des médecins ne manquent pas.

Tous assurent qu'il ne s'agit pas d'une grève corporatiste, mais d'une mobilisation en faveur du service public et contre les coupes dans le budget de la santé, qui doivent représenter cette année plus de 300 millions d'euros, après déjà plusieurs années d'austérité.

Au bord du défaut de paiement, le Portugal avait obtenu en mai 2011 de l'Union européenne et du Fonds monétaire international un plan d'aide de 78 milliards d'euros en échange d'un programme de réformes marqué par une rigueur sans précédent.

Alors que le pays est sorti de son plan d'assistance en mai, l'austérité continue à se traduire pour les Portugais par de longues files d'attente aux urgences, des fermetures de services hospitaliers et une hausse du ticket modérateur.

La politique de rigueur imposée par les créanciers du Portugal a porté un sérieux coup au Service national de santé (SNS), créé en 1979 après la Révolution qui avait permis d'inscrire le droit à des soins gratuits dans la Constitution.

Depuis 2011, les tarifs du service public ont doublé : le passage dans un service d'urgence est désormais facturé 20 euros et la consultation dans un centre de soins coûte 5 euros. Le temps d'attente pour des opérations chirurgicales est de plusieurs mois.