La Commission européenne a présenté mercredi les possibilités d'actions réclamées par les dirigeants de l'UE pour lutter contre le trafic des réfugiés après la tragédie de Lampedusa et éviter de nouveaux naufrages meurtriers en Méditerranée, avec un devis chiffré à 14 millions d'euros (environ 20 millions de dollars) par an.

«Le temps d'agir est venu», a lancé Cécilia Malmström, commissaire aux Affaires intérieures, à l'adresse des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne qui discuteront de ces propositions dès jeudi à Bruxelles, pour ensuite soumettre un plan d'action au sommet européen des 19 et 20 décembre.

Les propositions mises sur la table mercredi imposent des décisions politiques pour leur mise en oeuvre. Elles recommandent un renforcement des patrouilles en mer et dans les airs de Chypre à Gibraltar pour repérer et intercepter ou secourir les embarcations transportant les migrants clandestins.

Plus de 300 personnes ont péri noyées début octobre lors du naufrage de leur embarcation au large de la petite île italienne de Lampedusa, première terre de l'UE au départ des pays du nord de l'Afrique.

Frontex, l'agence chargée de la sécurité des frontières extérieures de l'UE a estimé le surcoût de cette présence à 14 millions d'euros par an à partir d'avril 2014, date du lancement d'une première grande opération de surveillance et de sauvetage, a-t-elle précisé. Un système d'échange d'informations, Eurosur, est opérationnel depuis le 2 décembre pour accélérer les interventions.

L'opération suscite toutefois des réserves. Nous devons faire attention aux signaux que nous envoyons», a-t-on souligné dans les délégations des États. «Nous ne devons pas encourager les personnes que nous voulons combattre», a précisé un négociateur. La crainte est que les organisations criminelles, qui organisent les traversées, ne lancent les embarcations lorsque les navires de Frontex sont signalés afin qu'ils récupèrent les migrants.

Pas de sanctions pour les navires qui portent secours

La stratégie ne pourra fonctionner que si des accords sont conclus avec les pays de départ ou de transit des migrants pour les faire intercepter avant qu'ils ne prennent la mer ou lorsqu'ils sont encore dans les eaux territoriales, a expliqué le négociateur. Cela suppose une volonté de coopérer avec l'UE, de l'argent pour former des gardes-côtes et des accords pour la réadmission des clandestins refoulés. L'UE est en pourparlers avancés avec la Tunisie, le Maroc et la Turquie, devenue une plaque tournante avec le conflit en Syrie.

La suspension de l'aide au développement a été évoquée comme moyen de pression, mais elle n'a pas été retenue dans les propositions présentées mercredi «car nous n'avons pas trouvé la bonne formule», a expliqué Cecillia Malmström.

L'UE doit également assurer aux navires se portant au secours d'une embarcation en perdition qu'ils ne seront pas sanctionnés, comme c'est le cas actuellement en Italie, pour avoir favorisé l'immigration clandestine. Les États membres doivent enfin décider si les réfugiés seront obligatoirement à la charge du pays où ils sont débarqués. «Ces deux questions impliquent un processus législatif», a-t-on souligné de source européenne.

Le dernier point est une remise en cause du règlement de Dublin, qui depuis 2003 impose au pays d'entrée d'héberger les migrants, de traiter les demandes d'asile et de renvoyer les clandestins recalés. Le dernier débat sur cette question réclamé par les pays du Sud (Italie, Grèce et Chypre) au nom de la solidarité, a vu une majorité des États refuser de modifier cette règle.

Le problème est pour l'instant contourné par un dédommagement financier. Une enveloppe de 50 millions d'euros (près de 73 millions de dollars) est proposée pour aider les pays «les plus exposés», notamment la Bulgarie, à mettre en place un système d'accueil et d'asile.

Cecilia Malmström a reconnu qu'il n'y avait «rien de très nouveau» dans ces propositions. Mais les peurs provoquées par l'immigration sont utilisées par les populistes et les partis d'extrême droite pour faire campagne contre l'Europe, a-t-elle souligné. La Commissaire s'est dite «très inquiète» du risque que ces forces acquièrent une véritable influence au Parlement européen après les élections de mai 2014 et a appelé les dirigeants de l'UE à «prendre leurs responsabilités».