La justice a inculpé jeudi et placé en détention provisoire le chef d'Aube dorée, Nikos Michaloliakos, une étape majeure dans l'offensive menée par les autorités pour tenter d'éradiquer ce parti néonazi, accusé de nombreuses violences et qui s'est nourri de la crise.

Le fondateur et indéboulonnable dirigeant du parti a été transféré vers la prison de haute sécurité de Korydallos, dans la banlieue ouest d'Athènes, vers 13 h 30 GMT (9 h 30 à Montréal).

Plus tôt à l'aube, il a été inculpé de direction d'«organisation criminelle», après plusieurs heures d'audition par deux juges d'instruction.

«Sang, honneur, Aube dorée», scandaient quelques dizaines de sympathisants du parti rassemblés devant le Palais de justice tandis que Nikos Michaloliakos faisait le salut fasciste en sortant de la salle d'instruction, selon les images diffusées par la télévision publique (DT).

Le n°2 du parti néonazi grec Aube dorée, Christos Pappas, a été inculpé jeudi pour constitution et direction d'organisation criminelle et placé en détention provisioire après sa comparution devant un juge d'instruction, a-t-on appris de source judiciaire.

Mercredi, quatre députés d'Aube dorée avaient été inculpés du même chef d'accusation de constitution et appartenance «à une organisation criminelle». Trois d'entre eux ont bénéficié d'une liberté conditionnelle, tandis que le quatrième, Yannis Lagos, a été placé en détention provisoire.

Ce dernier est mis en cause dans le meurtre du musicien antifasciste Pavlos Fyssas par un membre d'Aube dorée, le 18 septembre.

Yannis Lagos, député du Pirée, le grand port d'Athènes, a également été transféré vers la prison de Korydallos, tout comme une policière du Pirée soupçonnée de lien avec Aube dorée et un dirigeant local du parti dans la banlieue sud-ouest d'Athènes.

Dans ce territoire frappé par la désindustrialisation, Aube dorée a prospéré ces derniers mois et les violences contre les étrangers s'y sont multipliées.

C'est là que Pavlos Fyssas a été tué. Ce meurtre, qui a scandalisé l'opinion, a déclenché la réaction des autorités et un vaste coup de filet de la police contre les néonazis.

Nikos Michaloliakos, 56 ans, est un admirateur des colonels dictateurs grecs (1967-1974), qui tient les rênes du parti depuis 1980.

Les mises en liberté conditionnelle de trois députés ont provoqué de nombreux débats dans les médias.

Chef en prison, gang dehors

«Le chef en prison, le gang est dehors», a titré le journal à grand tirage de centre gauche Ta Nea.

Mais «on ne peut pas corriger des années d'inertie en un zèle éphémère», a réagi la Ligue grecque des droits de l'homme, mettant en garde contre la tentation d'outrepasser les règles de droit.

Au total, six des 18 députés du parti avaient été arrêtés le week-end dernier par la police antiterroriste. Ils encourent une peine de dix ans de prison.

Une instruction complexe attend les juges d'instruction qui vont devoir rassembler des charges précises. Un rapport de la Cour suprême a lié Aube dorée à deux meurtres, dont celui de Fyssas, trois tentatives d'homicide et de nombreuses agressions.

Les télévisions du pays suivent en direct toutes les opérations au cours desquelles les députés menottés passent de la direction de la police d'Athènes au palais de justice, encadrés par des policiers encagoulés.

Une dimension spectaculaire qui fait dire à l'analyste politique Ilias Nikolakopoulos que le gouvernement «tente de convaincre les quelque 400 000 électeurs d'Aube dorée qu'ils se sont trompés» et qu'ils devraient rejoindre le parti de droite de la Nouvelle démocratie, au pouvoir avec les socialistes.

«Mais il est bien trop tôt pour parler de transferts électoraux», en vue des élections municipales et européennes du printemps 2014, ajoute-t-il pour l'AFP.

«C'est un électorat très imprévisible, qui pourrait aller ailleurs, notamment au Syriza», le parti de la gauche radicale, principal parti d'opposition, a-t-il noté.

Selon des sources judiciaires, l'instruction pour aboutir à un probable procès pourrait prendre de longs mois, vu la sensibilité du dossier et la nécessité de réunir des preuves solides.

Aube dorée, qui a surfé depuis plusieurs années sur le discrédit de la classe politique et la grave crise économique que vit la Grèce, avec un chômage à près de 28 %, est entré pour la première fois au Parlement lors des élections de juin 2012.