Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a rétabli jeudi un chef d'accusation pour lequel l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic avait été acquitté, à savoir le génocide de musulmans et Croates de Bosnie en 1992.

L'acquittement avait été prononcé à mi-chemin du procès de M. Karadzic dans le cadre d'un point de procédure très technique particulier au TPIY, mais n'avait été prononcé que pour un des onze chefs d'accusation. Parmi les dix autres qui étaient restés en vigueur, le génocide de Srebrenica en juillet 1995.

«La chambre d'appel (...) infirme l'acquittement de M. Karadzic prononcé par la chambre de première instance pour génocide», a déclaré le juge Theodor Meron lors d'une audience publique à La Haye, où siège le TPIY. M. Karadzic, 67 ans, fait donc à nouveau l'objet de onze chefs d'accusation.

Rappelant les crimes imputés aux forces serbes de Bosnie, dont viols, détentions inhumaines et violences, ainsi que certaines déclarations présumées de l'accusé, la chambre d'appel a estimé que «la chambre de première instance avait commis des erreurs de fait» en acquittant M. Karadzic.

«Un juge raisonnable pourrait déduire qu'il existait une volonté génocidaire de la part de M. Karadzic et d'autres membres d'une entreprise criminelle commune», a déclaré M. Meron.

Le juge a fait état de la détention de 200 hommes dans une pièce de 40 mètres carrés, et assuré que certains détenus étaient battus à l'aide de «battes, de chaînes, de morceaux de câbles» et que selon certains éléments de preuve, il aurait été décidé lors de réunions auxquelles a participé M. Karadzic qu'«un tiers des musulmans seraient tués, un tiers convertis à la religion orthodoxe et un tiers partiraient de leur propre chef».

«Les preuves fournies par l'accusation (...) indiquent que les musulmans et Croates de Bosnie étaient soumis à des conditions de vie qui auraient mené à leur destruction physique», selon Theodor Meron.

La décision de jeudi ne signifie pas que M. Karadzic est déclaré coupable, son procès étant toujours en cours, mais que le chef d'accusation dont il est question ici figure à nouveau sur la liste des charges sur lesquelles les juges seront amenés à se prononcer.

Assurant que son client est «déçu», le conseiller juridique de M. Karadzic, Patrick Robinson, a soutenu jeudi que l'accusé était «déterminé» et que la défense demanderait aux juges la permission de présenter de nouveaux témoins en vue de réfuter l'accusation de génocide qui a été rétablie jeudi.

Dans le cadre d'une procédure particulière au TPIY, la défense avait demandé l'acquittement de l'accusé après la présentation des éléments de preuve de l'accusation, achevée le 25 mai 2012, et avant l'argumentation de la défense, en cours.

En réponse à cette demande, Radovan Karadzic avait été acquitté fin juin 2012 pour un des chefs d'accusation dont il fait l'objet, soit un génocide commis entre mars et décembre 1992 dans le but d'éliminer des musulmans et des Croates de toute une liste de municipalités de Bosnie. L'accusation avait interjeté appel.

Les autres chefs d'accusation, dont le génocide de Srebrenica et neuf chefs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie, qui avait fait 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995, avaient été maintenus.

Près de 8000 hommes et garçons musulmans avaient été tués lors du massacre de Srebrenica (est de la Bosnie) par les forces serbes de Bosnie menées par le général Ratko Mladic, jugé par le TPIY pour les mêmes crimes que Radovan Karadzic.

Plus de 15 000 musulmans ont commémoré jeudi le 18e anniversaire du début du massacre de Srebrenica, le 11 juillet 1995, une journée marquée par l'enterrement de 409 victimes identifiées depuis la dernière commémoration.

Radovan Karadzic avait été arrêté en juillet 2008. Il plaide non coupable et se défend seul. Son procès s'était ouvert en octobre 2009.