Marielle Vallaud* en a ras le bol d'être au chômage. Malgré ses recherches constantes et les cours du soir qu'elle a suivis pour se perfectionner, la spécialiste en ressources humaines n'a presque pas travaillé depuis quatre ans.

Comme des centaines d'autres Français, la Parisienne de 49 ans a participé hier au tout premier «Forum Expat» organisé dans la capitale française. Elle a patienté en ligne pendant au moins une heure pour atteindre le kiosque de l'organisme Québec International, qui tenait la vedette de ce petit salon avec celui de l'ambassade du Canada.

«C'est clairement à cause de la situation économique en France que je veux partir, a souligné Marielle Vallaud avec dépit. En France, c'est devenu infernal, les gens sont mécontents et aigris, même ceux qui travaillent.»

Marie Grignon, jeune diplômée en commerce de 23 ans, attendait aussi son tour. Après un trimestre d'études à l'Université McGill l'hiver dernier, elle a décidé de tenter sa chance au Québec «parce qu'il y a plus d'opportunités» qu'en France. Et même si plusieurs amis de sa bande se sont déjà exilés, elle part le coeur gros.

«Oui, ça m'attriste pour le moment, a-t-elle confié à La Presse, les yeux embués. En faisant la file ici, je réalise que c'est concret, ce départ.»

Succès-surprise

Ce n'est pas d'hier que le Canada attire les Français. Or, l'attrait du pays - et surtout, de sa province francophone - a grimpé en flèche depuis deux ans, au fur et à mesure que l'économie française s'est dégradée. Le chômage a augmenté pour un 24e mois consécutif en avril dans l'Hexagone et dépasse aujourd'hui les 10%.

La situation ne s'améliorera pas avant la fin de 2014, prévoit l'OCDE, qui s'attend à ce que le taux de chômage bondisse à 11,5% l'an prochain. Le portrait est encore pire chez les jeunes de moins de 25 ans, avec un taux officiel de plus de 25%.

C'est dans ce contexte de morosité extrême que le journal Le Monde a organisé ce premier «Forum Expat» hier dans ses bureaux du 13e arrondissement. Le hall exigu de l'immeuble était clairement trop petit pour contenir les nombreux participants.

«On est pris de court par le succès, a admis Benoît Martin, directeur adjoint de la publicité du Groupe Le Monde. On s'attendait à 500, peut-être 800 inscriptions, mais on s'est rendus à 3000 et on a bloqué là. Si on avait accepté tout le monde, on aurait peut-être eu 5000 personnes, qui sait?»

Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger, est venue faire un tour en fin d'avant-midi. Elle dit ne pas voir d'un mauvais oeil qu'autant de citoyens veuillent quitter l'Hexagone.

«C'est la même chose pour toute l'Europe, on ne va pas se voiler la face, a-t-elle avancé en entrevue à La Presse. Pourquoi y voir quelque chose de négatif? Quand le pays sera de nouveau en croissance, ils vont pouvoir revenir.»

*Nom fictif