Premier ministre de la Turquie depuis 2003, Recep Tayyip Erdogan n'a jamais fait l'unanimité dans son pays. Si plusieurs Turcs voient en lui un politicien au franc-parler, beaucoup dénoncent sa propension à mettre de l'huile sur le feu.

Selon les experts, les manifestations des derniers jours sont en grande partie liées au style incendiaire du politicien conservateur. «Au lieu de tenter de calmer le jeu au sujet de la destruction du parc Gezi pour construire un centre d'achats, le premier ministre a affirmé que c'est lui qui décide et qu'il ira de l'avant», note Didem Collinsworth, du International Crisis Group.

Cette approche «macho», digne «d'une maison de thé turc», selon des observateurs, est la marque de commerce du politicien populiste.

Fils d'un garde-côte de la ville de Rize, dans le nord-est du pays, Erdogan s'est toujours présenté comme un homme du peuple, à des années-lumière de l'élite pro-européenne laïque qui a largement dominé le pays après la création de la Turquie moderne par Mustafa Kemal (Atatürk).

Conservateur musulman, il a d'abord été maire d'Istanbul et a fait quatre mois de prison pour avoir lu un poème pro-islamiste avant de participer à la création du Parti de la justice et du développement.

Depuis, il a remporté trois élections consécutives, dont la dernière, en 2011, avec 49,8% du vote. «Mais il y a une déconnexion de plus en plus manifeste entre Erdogan et une partie de la population. La classe moyenne n'a pas l'impression de participer à la démocratie, mais plutôt de se faire imposer les choses, remarque Didem Collinsworth. Et là, après dix ans, le barrage vient de se rompre et une tonne de ressentiment est en train de se déverser dans les rues.»