Le président russe Vladimir Poutine a relevé de ses fonctions mercredi son influent vice-Premier ministre Vladislav Sourkov, souvent présenté comme le stratège du système politique étroitement contrôlé par le Kremlin.

«Vladimir Poutine a signé un décret ordonnant de démettre Vladislav Sourkov de ses fonctions» après que l'intéressé a présenté sa démission, a annoncé le Kremlin dans un communiqué, sans plus de précisions.

La porte-parole du Premier ministre Dmitri Medvedev, Natalia Timakova, a déclaré à l'AFP que M. Sourkov avait présenté sa démission le 26 avril.

Selon des observateurs, ce départ intervient sur fond de luttes de clans au sein des élites dirigeantes en ce début de troisième mandat  présidentiel de M. Poutine, revenu au Kremlin en mai 2012 pour six ans.

Agé de 48 ans, M. Sourkov avait été nommé vice-Premier ministre après avoir été démis en décembre 2011 de ses fonctions de chef adjoint de l'administration présidentielle, à l'occasion d'un remaniement qui a coïncidé avec le début d'un vaste mouvement de contestation du régime de Vladimir Poutine.

Pendant la période qu'il a passée au Kremlin, de 1999 à 2011, M. Sourkov était considéré comme l'éminence grise du pouvoir russe et son principal idéologue.

Il est ainsi l'auteur des concepts de «démocratie dirigée» et de «démocratie souveraine» pour décrire le régime politique en Russie.

Vladislav Sourkov avait en outre affirmé en 2011 que Vladimir Poutine avait été envoyé à la Russie par «Dieu et le destin», afin d'aider ce pays plongé dans une grave crise économique avant son arrivée au sommet du pouvoir en 2000.

L'annonce de ce départ intervient par ailleurs sur fond de scandale retentissant autour du centre d'innovation russe Skolkovo, le projet de «Silicon Valley» russe cher à M. Sourkov, au coeur d'une enquête depuis février pour détournement de millions de roubles de fonds publics.

M. Sourkov, qui siège au conseil de surveillance de Skolkovo, a défendu ce projet dans un récent discours devant la London School of Economics, accusant les enquêteurs de se livrer à des «tirs d'artillerie» risquant de causer un préjudice au projet.

Cette intervention a provoqué la colère de l'influent comité d'enquête russe - un équivalent du FBI américain -, son porte-parole Vladimir Markine ayant fustigé le comportement de M. Sourkov dans une lettre ouverte publiée mardi à la une du quotidien proche du Kremlin Izvestia.

«Combien de temps un membre du cabinet de Sa Majesté pourrait-il garder son poste s'il critiquait publiquement Scotland Yard au cours d'une visite privée à Moscou ?», a interrogé M. Markine, dans une allusion aux propos tenus par M. Sourkov pendant son séjour à caractère privé à Londres.

A en croire le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov, la démission de Vladislav Sourkov n'a «aucun rapport» avec le scandale autour de Skolkovo, ni avec les déclarations de M. Markine.

M. Peskov a affirmé que M. Sourkov avait démissionné «de sa propre initiative», ajoutant que ce départ était lié à l'inefficacité du gouvernement à mettre en oeuvre les promesses faites par M. Poutine avant son retour au Kremlin il y a tout juste un an.

La démission de M. Sourkov a fait mercredi soir la une du journal télévisé de la chaîne publique russe Pervyi Kanal, le présentateur déclarant qu'il «avait été un des principaux acteurs de la scène politique russe».

La chaîne a lié son départ à des critiques de M. Poutine, selon lequel M. Sourkov avait reconnu que 50 décrets présidentiels «avaient été mis en oeuvre de manière insatisfaisante».

M. Sourkov s'est refusé à discuter de son avenir dans les médias, indiquant seulement au quotidien moscovite Kommersant qu'il s'exprimerait «quand le temps en sera venu».

Selon le politologue Mikhaïl Vinogradov, cité par Kommersant sur son site internet, le départ de M. Sourkov affaiblit non seulement le gouvernement, mais aussi le Premier ministre Dmitri Medvedev.

Et cela montre que c'est de facto Vladimir Poutine qui dirige en personne les ministres du gouvernement, renchérit le politologue Evgueni Mintchenko.