Le meurtrier pédophile belge Marc Dutroux a réclamé lundi devant la justice le droit de pouvoir purger sa peine à domicile sous la surveillance d'un bracelet électronique, une demande qui a très peu de chance d'aboutir pour l'homme «le plus détesté» de Belgique.

Marc Dutroux, 56 ans, a comparu à huis clos durant deux heures devant le tribunal d'application des peines (TAP) qui siégeait au palais de justice de Bruxelles placé sous très haute surveillance policière.

Il a échappé aux nombreuses caméras en pénétrant par une porte dérobée dans la salle d'audience.

«Nous avons convenu de ne rien dire» jusqu'à ce que le TAP rende sa décision le 18 février à 14 h (heure locale), a simplement déclaré son avocat, Pierre Deutsch, à l'issue de l'audience.

«Je ne suis pas très inquiet qu'il soit libéré», a toutefois expliqué Luk Delbrouck, avocat de Leendert Lambrecks, le frère cadet d'Eefje, l'une des victimes de Dutroux.

Selon Me Delbrouck, la présidente du TAP a fait «tout ce qui est possible» pour informer les victimes, sans toutefois leur détailler le plan de reclassement présenté par Marc Dutroux.

Ce sera au TAP, et à lui seul, d'estimer la crédibilité de ce plan, les victimes «n'ayant pas droit au chapitre sur la peine», a rappelé devant la presse le président du tribunal de première instance, Luc Hennart, qui a salué la «sérénité» des débats, alors qu'à l'extérieur du palais de justice, seule une quinzaine de militants d'extrême droite étaient venus manifester.

L'ancien électricien a été condamné en juin 2004 à la réclusion à perpétuité pour l'enlèvement, la séquestration et le viol, entre juin 1995 et août 1996, de six fillettes et adolescentes belges, ainsi que de la mort de quatre d'entre elles.

Actuellement écroué à Nivelles, au sud de Bruxelles, la loi lui permet d'introduire une demande de libération conditionnelle à partir du 30 avril, au moment où il aura purgé effectivement un tiers de sa peine (assimilée à 45 ans), détention préventive comprise.

«Cela fait partie de nos projets», a déclaré Me Deutsch.

La demande de bracelet électronique peut quant à elle intervenir dans les six mois qui précèdent une demande de remise en liberté conditionnelle.

«Nous devrons montrer qu'il y a une possibilité de reclassement, avec logement, travail ou, à tout le moins, moyen de subsistance, montrer pourquoi le risque de récidive est autant que possible à écarter», a expliqué l'avocat de Marc Dutroux.

Avis négatif

C'est à la justice, «qui est indépendante, de décider», a souligné lundi la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom, en reconnaissant qu'il était «difficile pour les gens de comprendre» qu'il soit possible à un homme condamné à la prison à vie de demander sa remise en liberté après avoir purgé seulement le tiers de sa peine.

Dans les faits, Marc Dutroux a très peu de chances de voir sa demande aboutir, l'administration pénitentiaire et le parquet ayant rendu un avis négatif, en raison notamment des risques de récidive.

La perspective de sa remise en liberté provoquerait de plus un choc énorme en Belgique, où l'opinion reste traumatisée par cette affaire criminelle, la pire de l'histoire du royaume.

Des manifestations de colère se sont déjà produites en août 2012 lorsque l'ex-femme de Dutroux, Michelle Martin, a bénéficié d'une libération conditionnelle. Elle est depuis hébergée dans un monastère, à l'abri des regards.

À la suite de cette libération, le gouvernement belge a décidé de durcir le régime des libérations conditionnelles. La nouvelle loi en discussion prévoit qu'un condamné à 30 ans ou à perpétuité ne puisse plus introduire sa demande de libération au tiers de sa peine mais à la moitié.

Trois victimes de Marc Dutroux ont saisi la semaine dernière la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à Strasbourg pour protester contre l'actuelle procédure de libération conditionnelle.

Laetitia Delhez, séquestrée durant six jours par Dutroux en 1996 quand elle avait 14 ans, sa mère, et Jean-Denis Lejeune, le père de la petite Julie, retrouvée morte dans une propriété du pédophile, veulent faire condamner l'État belge afin que les victimes soient réellement consultées lorsqu'un condamné introduit une demande devant le TAP.

L'AFFAIRE DUTROUX EN DATES



1989

- 26 avril : Marc Dutroux, 32 ans, et sa compagne Michelle Martin, 29 ans, sont condamnés respectivement à 13 ans et 5 ans de prison pour l'enlèvement et le viol de cinq fillettes et adolescentes, avant de bénéficier de libérations anticipées.

1995

- 24 juin : Julie Lejeune et Melissa Russo, deux fillettes de 8 ans, sont enlevées à Grâce-Hollogne, près de Liège (est).

- 22 août : An Marchal, 17 ans, et Eefje Lambrecks, 19 ans, disparaissent à Ostende (nord).

1996

- 28 mai : Enlèvement de Sabine Dardenne, 12 ans, près de Tournai (ouest).

- 9 août : Enlèvement de Laetitia Delhez, 14 ans, à Bertrix (sud-est).

- 13 août : Arrestation de Marc Dutroux, 39 ans, et Michelle Martin, 36 ans, dans l'enquête sur la disparition de Laetitia.

- 15 août : Les aveux de Dutroux permettent de découvrir Laetitia et Sabine emmurées vivantes dans la cache d'une maison à Marcinelle (sud).

- 17 août : Découverte dans la résidence principale de Dutroux à Sars-La-Buissière (sud) des corps de Julie et Melissa, mortes de faim.

- 3 sept : La police belge exhume d'une troisième propriété de Dutroux les restes des deux adolescentes flamandes.

1997

- 15 avril : Une commission d'enquête du Parlement relève des irrégularités judiciaires et policières dans les enquêtes sur les disparitions d'enfants.

1998

- 23 avril : Dutroux s'échappe du Palais de justice de Neufchâteau (sud-est). Il est arrêté quelques heures plus tard. Démission des ministres de l'Intérieur et de la Justice, Johan Vande Lanotte et Stefaan De Clerck.

2004

- 1er mars : Ouverture du procès Dutroux devant la cour d'assises d'Arlon (sud-est).

- 22 juin : Marc Dutroux est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, Michelle Martin à 30 ans de prison et leur complice Michel Lelièvre à 25 ans.

2012

- 31 juillet : Le tribunal d'application des peines de Mons accorde la libération conditionnelle à Michelle Martin.

- 28 août : La Cour de cassation rejette les recours déposés contre cette libération. Michelle Martin est libérée malgré plusieurs manifestations de protestation et rejoint un couvent près de Namur.

- 14 septembre : Dutroux demande à purger sa peine à domicile, avec un bracelet électronique.

- 17 novembre : Jean-Denis Lejeune, père de Julie, rencontre Michelle Martin. Rien ne filtre de leur conversation.

PHOTO ARCHIVES AP

Marc Dutroux à l'ouverture de son procès en 2004.