Istanbul a été à nouveau frappée mardi par un attentat-suicide, revendiqué par un groupe d'extrême gauche interdit en Turquie, qui a tué un policier et fait au moins sept blessés devant le commissariat d'un quartier populaire de la mégalopole.  

Selon les médias turcs, le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) s'est attribué la responsabilité de l'explosion. Cette revendication n'a toutefois pas été immédiatement confirmée de source officielle.

Le quotidien Hürriyet a, de son côté, identifié le porteur des explosifs comme un homme de 39 ans, membre de ce groupe.

Organisation marxiste-léniniste radicale, le DHKP-C est l'héritier d'une série de groupes révolutionnaires qui ont revendiqué des dizaines d'attentats et meurtres de responsables turcs depuis 1976. Son chef historique, Dursun Karatas, a été inhumé en 2008 non loin du commissariat visé mardi par l'attentat.

Selon les premiers éléments de l'enquête livrés plus tôt par le chef de la police d'Istanbul Hüseyin Capkin, ce kamikaze a fait exploser peu après 11 h (4 h, heure de Montréal) la charge qu'il portait après avoir lancé une grenade sur des policiers en faction devant le commissariat du quartier de Sultangazi, un bastion des organisations séparatistes kurdes et d'extrême gauche.

Un policier qui se trouvait à l'entrée du complexe, situé à la périphérie de la rive européenne de la première ville de Turquie, a été tué, quatre policiers et trois civils blessés, a précisé M. Capkin à la presse.

« J'étais assis là, à l'intérieur de mon magasin, quand il y a eu une explosion très violente. Le commissariat est juste en face, une grande fumée en est sortie », a raconté à l'AFP Zafer Aldogan, un voisin commerçant, « des morceaux de corps ont été projetés jusqu'à nous ».

« Je suis rentrée dans le jardin du commissariat, mais un policier m'a fait ressortir en disant "il y a encore un kamikaze avec une bombe qui n'a pas explosé" », a témoigné une autre voisine du commissariat, Meral Yildiz. « J'ai regardé et il était là, couché, il n'avait plus de jambes (...) c'était un homme de 30 à 35 ans au crâne rasé ».

Lors de son intervention, le chef de la police d'Istanbul a affirmé que le kamikaze avait été identifié, mais a refusé de donner des détails sur son éventuelle affiliation à un groupe armé.

Dans une déclaration, le président turc Abdullah Gül a fermement condamné cette « attaque terroriste méprisable » conduite par « des groupes terroristes qui défendent des idéologies dépassées ».

Le quartier de Sultangazi avait été le théâtre en 1995 de quatre jours d'émeutes qui s'étaient soldés par la mort de 23 personnes, dont 17 tuées par les forces de l'ordre.

Depuis des années, les commissariats de police turcs sont la cible régulière d'attentats ou d'attaques conduites par des groupes se réclamant de l'extrême gauche radicale ou proches des séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte contre les autorités d'Ankara.

Le dernier en date a dévasté fin août un poste de police de Gaziantep (sud-est), coûtant la vie à dix personnes, dont des enfants. Les autorités ont blâmé le PKK, mais celui-ci a rejeté toute responsabilité.

Istanbul avait elle-même déjà été touchée par cette violence en novembre 2010, lorsqu'un kamikaze s'était fait exploser au milieu de la place Taksim, en plein coeur de la ville, blessant 32 personnes.

Depuis le début de l'été, les combats se sont intensifiés entre les forces de sécurité et les rebelles du PKK dans le sud-est du pays, peuplé en majorité de Kurdes. Ces derniers jours, plusieurs milliers de soldats ont lancé une vaste offensive dans des zones montagneuses de la province de Sirnak, riveraine de l'Irak, et l'aviation d'Ankara a frappé des positions kurdes en Irak.

Un bilan de sources militaires turques évoqué lundi par la chaîne NTV a chiffré à au moins 461, dont 88 soldats turcs, le nombre de personnes tuées depuis le début de l'année dans ces combats.

Le PKK a ouvert les hostilités en 1984 dans le sud-est de la Turquie, déclenchant un conflit qui a fait jusqu'ici 45 000 morts.