Un architecte français arrêté au Cambodge. Un homme d'affaires britannique assassiné. Un politicien maoïste déchu, une femme aux goûts de luxe. Un fils de riche en Ferrari. L'affaire Bo Xilai, un politicien étoile dont la carrière s'est brutalement arrêtée en avril, continue de faire des vagues en Chine. Sa femme, Gu Kailai, subit un procès criminel sous haute surveillance qui a été comparé avec celui de la veuve de Mao.

Q Qui est Gu Kailai?

R C'est la femme de Bo Xilai, un politicien qui dirigeait l'énorme ville de Chongqing jusqu'en avril. Fils d'un camarade de guerre de Mao, M. Bo avait de bonnes chances d'être nommé cet automne au comité permanent du Politburo, composé d'une dizaine de personnes, qui dirige le pays. Mme Gu, une avocate spécialisée dans les ententes commerciales internationales, a parfois été comparée à Jackie Kennedy parce qu'elle affronte avec style les feux des projecteurs. Hier, Mme Gu ne s'est pas objectée à la thèse des procureurs - elle a empoisonné Neil Heywood, un homme d'affaires britannique, en novembre dernier, parce qu'il avait menacé de s'en prendre à son fils, Bo Guagua.

Q Qui était Neil Heywood?

R Depuis une quinzaine d'années, Neil Heywood s'était établi en Chine, où il facilitait l'entrée d'entreprises étrangères. Il a connu le couple Bo-Gu à Dalian, d'où sa femme chinoise est originaire, quand M. Bo en était le dirigeant. L'homme d'affaires de 41 ans a peut-être été l'amant de Mme Gu, avance le Daily Mail, mais depuis quelques années ses relations avec Mme Gu étaient de plus en plus difficiles. Le Wall Street Journal rapporte qu'elle lui a même demandé de divorcer, de peur que sa femme chinoise ne la dénonce pour corruption. Le quotidien The Australian rapporte qu'il était impossible d'avoir des contrats ou des autorisations à Chongqing sans avoir recours à la firme de Mme Gu. Le 14 novembre dernier, Mme Gu lui a demandé de venir la voir à Chongqing. Il a été retrouvé mort le lendemain dans sa chambre d'hôtel. Au départ, son décès a été attribué à un abus d'alcool, mais des sources ont affirmé à Reuters qu'il a été empoisonné au cyanure. Sa famille affirme qu'il buvait peu. Pour compliquer le tout, l'un des clients de M. Heywood est une firme fondée par d'anciens espions britanniques du MI6, Hakluyt, et le gouvernement britannique a dû nier publiquement en juillet qu'il était un espion.

Q Comment Bo Xilai est-il tombé en disgrâce?

R Début février, le chef de police de Chongqing, Wang Lijun, s'est réfugié au consulat américain de Chengdu. M. Wang avait été étroitement associé à la lutte très médiatisée de Bo Xilai contre la mafia. Les analystes spéculent qu'il craignait d'être éliminé par M. Bo, parce que des enquêteurs de Pékin voulaient le questionner sur la corruption à Chongqing et la mort de Neil Heywood. M. Lijun est parti de son gré du consulat, mais est allé à Pékin plutôt que de retourner à Chongqing. En mars, M. Bo a perdu son poste de dirigeant de Chongqing et en avril, quand sa femme a été accusée du meurtre de M. Heywood, il a perdu son poste au Politburo. Un architecte français proche du couple Bo-Gu, Patrick Henri Devillers, a lui aussi accepté de collaborer avec les autorités. Signe de la méfiance des autorités nationales envers le personnel municipal de Chongqing, le procès de Mme Gu a lieu à Hefei, 1000 km plus à l'est.

Q La transition politique pourrait-elle être compromise?

R Plusieurs médias ont rapporté qu'en mars et avril, Bo Xilai a rencontré des hauts dirigeants de l'Armée populaire de libération, dont son père était un haut gradé. Cela a suscité des spéculations à un rôle de l'armée dans la transition politique actuelle, comme en 1989. Les transitions ne surviennent qu'une fois chaque décennie et l'armée pourrait être séduite par le populisme de M. Bo, qui a à la fois construit des logements sociaux et appuyé la croissance économique des villes qu'il a dirigées, Dalian et Chongqing. Selon plusieurs analystes, les opposants politiques de M. Bo n'aimaient pas son style trop occidental de campagne politique et son goût du luxe: le couple avait un penthouse dans la station balnéaire anglaise de Bournemouth et leur fils paradait au volant de voitures de luxe.