Le scandale du recours à la torture par la police russe a pris encore de l'ampleur mercredi avec l'arrestation de policiers accusés d'avoir tué deux suspects et les accusations du maire d'une grande ville qui dit avoir été victime de violences en détention.

Les révélations et scandales sur des violences policières et des actes de torture commis par les forces de l'ordre se multiplient depuis début mars, après la mort au Tatarstan (centre) d'un homme, violé à l'aide d'une bouteille dans un commissariat.

Ainsi, le Comité d'enquête russe, qui a annoncé mardi le lancement de vérifications dans tout le pays, a annoncé l'arrestation de deux policiers de Kemerovo (Sibérie) pour avoir torturé à mort un homme en décembre afin de lui faire avouer des crimes.

«L'homme est décédé en raison des coups qu'il a reçus, et les policiers, voulant camoufler leur crime, ont abandonné le corps au bord d'une route», selon un communiqué du comité.

Le ministère de l'Intérieur a pour sa part annoncé l'arrestation dans cette même région de deux autres policiers, dans le cadre d'une enquête sur la mort en septembre 2011 d'un autre homme dans un commissariat.

Par ailleurs, Igor Bestouji, le maire de Stavropol, ville de 400 000 habitants dans le sud-ouest de la Russie, en détention depuis le 2 février et inculpé de corruption, a affirmé mercredi par l'entremise de son avocate avoir avoué des faits de corruption après avoir été longuement torturé et menacé.

«Ils m'ont frappé à coups de poing à la tête, à la nuque, ensuite ils m'ont mis un sac en plastique (sur la tête) et l'ont «scotché». Après ils m'ont menacé d'électrocution, puis de viol», a-t-il raconté dans une lettre lue par son avocate Inna Denissova devant un tribunal, selon l'agence Interfax.

M. Bestouji a aussi affirmé que sa famille avait été menacée, et avoir été privé du droit de voir un avocat jusqu'au 19 mars.

Enfin, les autorités ont indiqué enquêter sur le passage à tabac d'un homme dans un commissariat de la région de Belgorod (ouest) le 16 mars ainsi que d'une autre personne en garde à vue le 14 novembre dans la région de Kirov (centre).

Le ministre de l'Intérieur du Tatarstan, Asgat Safarov, qui dirige la police de cette république russe où le premier scandale de torture a éclaté début mars, a été mis en cause par la presse, qui a publié des extraits d'un livre où il fait l'apologie de la «cruauté du Moyen Âge».

«La cruauté du Moyen Âge avait une explication logique: si on ne peut châtier un assassin plusieurs fois, on peut mettre fin à sa vie avec les méthodes les plus cruelles, afin de montrer l'exemple», écrit le ministre dans cet ouvrage cité par le journal Novaïa Gazeta.

Face à la multiplication de ces affaires, le ministre russe de l'Intérieur, Rachid Nourgaliev a promis que chaque cas ferait l'objet d'une enquête publique, selon les agences, avant d'estimer que la police était la première victime des crimes commis par ses agents.

«C'est avant tout l'autorité et l'honneur de nos agents qui en pâtissent», a-t-il dit.

Selon les ONG, le recours à la violence est très répandu dans la police russe, notamment car les agents ont recours à la torture pour atteindre des objectifs fixés par la hiérarchie, source de primes et de promotions.

Le président russe Dmitri Medvedev avait fait de la réforme de la police, minée par la corruption, une priorité de son mandat, soumettant notamment en 2011 les policiers à une procédure généralisée de vérification de leurs compétences.

Mais cela n'a eu guère d'effet, à en croire un sondage de l'institut Levada selon lequel 75% des Russes estiment que la police ne s'est pas améliorée, 14% jugeant même que la situation a empiré.