L'Allemagne, où l'islam est devenu la troisième religion, va pour la première fois former cette année des imams dans ses universités, notamment à Osnabrück où des prédicateurs suivent déjà une formation continue.

Dès la prochaine rentrée dans cette université du nord-ouest de l'Allemagne, un master en cinq ans permettra à 25 jeunes musulmans de devenir imams dans une mosquée, professeur de religion ou chercheur en théologie islamiques.

Une première dans un pays qui compte plus de 4 millions de musulmans, dont 45% ont la nationalité allemande, et où l'intégration des immigrés, en majorité turque, demeure difficile.

La chancelière Angela Merkel veut ainsi favoriser un islam «made in Germany» plutôt qu'importé de l'étranger.

«Ma génération a grandi ici, l'Allemagne c'est notre patrie», explique le responsable de ce nouveau cycle d'études, Bülent Ucar, un Allemand musulman d'origine turque de 35 ans. «Si notre religion n'appartient pas à ce pays, cela signifie que nous sommes aussi des étrangers».

«Mais dans 95% des mosquées en Allemagne, les prêches sont encore en turc, en bosniaque ou en arabe», explique le professeur.

Quelque 8000 imams officiant de Hambourg à Munich sont des fonctionnaires de l'État turc envoyés dans les 896 mosquées ou communautés gérées par l'organisation Ditib, directement dépendante du ministère turc du Culte. La plupart parlent à peine allemand et ne restent que quelques années en Allemagne.

Dans le cycle d'études théologiques dispensé à Osnabrück, toutes les matières, de la philosophie à l'histoire de l'islam en passant par les arts, seront enseignées en allemand.

Des cours spécifiques «liés aux problématiques européennes», selon M. Ucar, sur l'immigration, le christianisme ou le judaïsme, seront en outre dispensés. Et à l'issue de leur formation théorique, les étudiants feront «comme pour les études de théologie catholique ou protestante» un stage pratique dans une mosquée, détaille Bülent Ucar.

À Osnabrück, les imams ou les travailleurs sociaux employés dans des communautés musulmanes peuvent déjà suivre une formation continue. «Depuis le mois d'août dernier, nous nous retrouvons une fois par mois pour deux journées de séminaire», explique Ibrahim Petek, iman depuis huit ans d'une mosquée de Bielefeld (ouest). Au programme «l'étude du système scolaire, le droit, la Constitution ou les questions de société», poursuit-il, afin d'améliorer les connaissances du pays.

«Un imam est avant tout un transmetteur de la foi, mais il est aussi un enseignant et accompagne ses fidèles dans des situations difficiles personnelles ou familiales», résume Bülent Ucar.

Durant un cours, l'enseignant autrichien, Moussal Al-Hassan Diaw, explique à une trentaine d'adultes les différences entre les modèles d'assimilation des étrangers de la France et du Royaume-Uni «où vous pouvez voir un policier en uniforme porter le turban sikh».

La classe comprend 90% d'hommes. Mais une dizaine de femmes -toutes voilées- se sont inscrites à la formation. «Mon objectif, c'est d'obtenir une qualification professionnelle pour le travail social que je fais dans ma mosquée depuis dix ans», souligne l'une d'elles, Rua Khwairah.

Micros éteints, on ne cache pas que certains musulmans conservateurs se montrent très méfiants à l'égard de ces formations.

«Ce qui est important», rétorque M. Ucar, «c'est de montrer via ces études que l'islam et la démocratie, l'islam et la liberté, ne sont pas contradictoires».