Des milliers de personnes ont participé dans une ambiance décontractée samedi à Prague à un «défilé de la fierté» dans le cadre du premier festival gai et lesbien «Prague Pride», malgré une polémique animée par certains milieux politiques et deux modestes contre-manifestations.

«Selon nos premières estimations, cinq mille personnes ont participé au défilé et 10 000 autres y ont assisté, dans les rues», a déclaré le chef des organisateurs, Czeslaw Walek.

Venus pour défendre les droits des homosexuels et appeler à la tolérance, les manifestants, portant souvent un déguisement extravagant et munis de sifflets et de drapeaux, se sont rassemblés en début d'après-midi sur la place de la République, sous une météo variable.

Le cortège bariolé a traversé ensuite plusieurs grandes avenues, au son d'une musique de danse diffusée par des haut-parleurs, installés sur des camionnettes.

Le défilé s'est terminé deux heures plus tard sur l'île Strelecky, au milieu de la rivière Vltava, où des concerts se sont poursuivis jusqu'à samedi soir.

«Cette première édition (de Prague Pride) est un tournant révolutionnaire», a déclaré à l'AFP le réalisateur et organisateur du festival du film documentaire Febiofest, Fero Fenic.

«Il ne s'agissait pas uniquement d'un défilé d'homosexuels, il y avait aussi des handicapés en chaise roulante, des familles avec enfants. Le soutien aux minorités révèle le niveau de liberté et de démocratie dans chaque pays», a-t-il ajouté.

Le festival se tient de mercredi à dimanche sous les auspices du maire de Prague, Bohuslav Svoboda, du parti de droite ODS. Son geste a suscité l'indignation de plusieurs personnalités politiques, notamment le président Vaclav Klaus et l'un des ses proches collaborateurs, Petr Hajek.

Ce dernier a qualifié les homosexuels de «citoyens déviants», alors que selon le chef de l'État l'homosexualité «ne mérite pas nécessairement une apothéose».

«Je ne suis pas fier de cet événement qui n'est pas une manifestation de l'homosexualité, mais de l'homosexualisme qui me fait peur, tout comme d'autres -ismes», a déclaré le président Klaus.

«Nous sommes assez surpris par cette politisation», a indiqué à l'AFP M. Walek.

Selon lui, M. Klaus laisse ainsi entendre «qu'il y a ici un groupe de personnes qui doit être perçu négativement».

Dans un message aux organisateurs de la parade, l'ancienne championne de tennis américaine d'origine tchèque, Martina Navratilova, se dit «très déçue» par les déclarations de M. Klaus, «homophobes et rétrogrades» selon elle.

«Nous sommes venus pour soutenir nos amis tchèques. C'est important pour eux, pour nous, pour toute l'Europe», a déclaré à l'AFP Ryszard, un quinquagénaire polonais de Wroclaw, brandissant un drapeau rouge-blanc de son pays et un parapluie, aux couleurs arc-en-ciel.

Ouvertement hostiles à la manifestation, des jeunes chrétiens-démocrates et d'autres groupes conservateurs ont convoqué une «marche pour la famille», alors qu'une autre contre-manifestation «pour les valeurs traditionnelles» a été organisée par le petit parti d'extrême droite DSSS.

Quelque 300 policiers ont été mobilisés pour tenir à distance le cortège et les contre-manifestants, surtout au moment où les participants au défilé répondaient par des sourires et salutations à des insultes proférées à leur encontre par quelque 40 extrémistes de droite, à mi-chemin du parcours.

En fin d'après-midi, la police a annoncé avoir interpellé deux contre-manifestants qui lançaient des fumigènes contre le défilé.