Les contrôleurs aériens espagnols ont repris le travail samedi après 24 heures d'une grève qui a paralysé le trafic aérien et conduit le gouvernement à déclarer l'état d'alerte, une mesure sans précédent en 35 ans de démocratie.

L'espace aérien fermé depuis la veille a rouvert samedi, sous le contrôle de l'armée, et de premiers avions ont décollé ou atterri des aéroports espagnols, dont Madrid et Barcelone.

Le trafic cependant ne reprenait que progressivement, les grandes compagnies, dont Iberia, ayant annulé leurs vols en principe jusqu'à dimanche matin.

Le retour à la normale devrait prendre «48 heures», a déclaré dans la soirée le ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba, en précisant que «pendant 15 jours, les contrôleurs seraient soumis au code pénal militaire».

Cette grève surprise a bloqué à partir de vendredi soir 300 000 passagers dans les aéroports, au pire moment pour les Espagnols qui se préparaient à partir pour un congé de cinq jours, le plus long de l'année.

Face à ce coup de force, le gouvernement, pris de vitesse, a opté pour la fermeté, en dénonçant un «chantage» et décidant de confier à l'armée la gestion du contrôle aérien, comme le permet la loi.

Il a décrété samedi l'état d'alerte -une mesure inédite depuis la mort du général Franco en 1975 et le retour à la démocratie- qui permet de mobiliser les contrôleurs et rend les grévistes passibles de poursuites pour sédition.

Peu près cette annonce, les contrôleurs ont commencé à retourner travailler et samedi soir, 90% d'entre eux avaient regagné leur poste, a indiqué M. Rubalcaba.

Le gouvernement socialiste, déjà malmené dans l'opinion pour sa politique d'austérité, s'est trouvé avec cette grève brutalement confronté à un conflit social majeur au moment où, sous la pression des marchés, il vient d'annoncer une nouvelle série de mesures de lutte contre la crise.

M. Rubalcaba a dénoncé samedi l'attitude des contrôleurs aériens qui défendent, a-t-il dit, «des privilèges intolérables».

Il a promis que le gouvernement appliquerait la loi «avec fermeté» et qu'il n'y aurait «pas d'autres problèmes dans les aéroports, ni à Noël, ni après», alors qu'une grève des pilotes de ligne est annoncée pour cette période.

Il a aussi assuré que des procédures judiciaires seraient ouvertes «contre tous les contrôleurs qui ont abandonné leur poste sans justification».

Les contrôleurs ont quitté leurs postes de travail vendredi soir pour protester contre une mesure qui plafonne à 1670 heures par an, soit 32 heures par semaine, leur temps de travail, hors heures supplémentaires.

Cette mesure faisait partie du dispositif de privatisation partielle d'Aena, à hauteur de 49%, adopté quelques heures plus tôt par le Conseil des ministres.

Mais le gouvernement tente en fait depuis des mois de réduire les avantages dont bénéficient les contrôleurs aériens, par le biais notamment d'un système d'heures supplémentaires très avantageux, et avait ramené en février leur salaire de 350 000 euros (471 000$) par an en moyenne à 200 000 euros (269 000$).

Selon le ministère des Transports, 135 des 2300 contrôleurs espagnols gagnent plus de 600 000 euros (808 000$) par an et 713 entre 360 000 (484 000$) et 540 000 euros (727 000$), sensiblement plus que leurs collègues européens.

Le porte-parole du syndicat des contrôleurs, David Zamit, avait expliqué vendredi que ce plafonnement empêchait par exemple les contrôleurs de prendre leurs congés de paternité ou de maladie sur leurs heures de travail.

«Nous avons atteint notre limite mentalement avec ce nouveau décret qui nous oblige à travailler davantage d'heures», a affirmé un autre porte-parole, Jorge Ontiveros.

«Nous avons pris cette décision individuellement, qui s'est ensuite propagée à des collègues. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas continuer à contrôler les avions», avait-il dit en estimant que les conditions n'étaient pas réunies pour assurer la sécurité aérienne.