Au lendemain du vote au Sénat de la réforme des retraites, la France restait confrontée à de pénibles pénuries de carburant liées à la poursuite de grèves dans les raffineries et dépôts, en dépit des efforts du gouvernement pour faciliter les départs en vacances de la Toussaint.

Après trois semaines de débats enflammés, les sénateurs ont voté vendredi soir la réforme des retraites qui provoque depuis septembre un massif mouvement de contestation et de grèves, constituant la plus grande crise du mandat du président Nicolas Sarkozy.

Le vote définitif du texte devrait avoir lieu mercredi au plus tard et le président français devrait remanier le gouvernement peu après, pour redynamiser son équipe à 18 mois de la présidentielle.

Cette réforme doit reculer de 60 à 62 ans l'âge minimal de départ à la retraite et de 65 à 67 ans l'âge auquel il sera possible de percevoir une pension complète.

L'opposition socialiste a dénoncé un «passage en force» et les syndicats ont appelé à deux nouvelles journées d'actions nationales les 28 octobre et 6 novembre. Le gouvernement compte, lui, sur les vacances scolaires pour voir s'essoufler la mobilisation.

Samedi matin, alors que le trafic ferroviaire s'améliorait, la circulation sur les routes était encore perturbée par les pénuries de carburant, surtout dans l'ouest du pays et autour de Paris.

«Sur 100 départements, sept sont encore en difficulté», a déclaré le ministre de l'Energie Jean-Louis Borloo lors d'un point de presse à la mi-journée, précisant que sur les 300 stations d'autoroute du pays, tout marchait bien «sauf pour 4 à 5% d'entre elles qui attendent un approvisionnement dans la journée».

Pour faciliter la circulation, le gouvernement a déclaré prioritaire l'approvisionnement des stations-services du réseau autoroutier, incité à la mutualisation des stocks commerciaux et autorisé les poids lourds à circuler le dimanche.

Interrogé sur l'état d'approvisionnement de l'ensemble des 12.300 stations-service du pays dont au moins 20% étaient à sec vendredi, le gouvernement a refusé de fournir une estimation nationale ou une date précise de retour à la normale.

Pour éviter que la capitale ne soit paralysée, le pouvoir a fait intervenir les gendarmes vendredi pour débloquer la raffinerie de Grandpuits, principale source d'alimentation en carburant de la région parisienne, après un ordre de réquisition du personnel en grève.

Samedi, le président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP), Jean-Louis Schilansky a jugé indispensables ces réquisitions, faisant valoir que la France importe actuellement 100 000 tonnes de pétrole par jour, au lieu de 20 à 25 000 tonnes en période normale.

À Chambéry (sud-est), une centaine de chefs d'entreprises ont manifesté samedi matin à l'appel de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), pour «alerter les syndicats» sur les contrecoups subis par les PME en raison des blocages et grèves.

Outre les raffineries et les dépôts de carburant, les blocages ont continué au port de Marseille (sud-est), en grève depuis un mois: deux bateaux de croisière n'ont pas pu accoster samedi et leurs passagers ont dû débarquer à bord de petites embarcations. Vendredi, plus de 70 navires étaient bloqués au large du port méditerrannéen.

En revanche, le trafic ferroviaire s'est légèrement amélioré, avec samedi au moins 8 trains à grande vitesse (TGV) sur 10 en circulation en France et des liaisons normales ou quasi-normales vers l'international.

Après des semaines de mobilisation sociale largement soutenues par l'opinion publique, les Français paraissent désormais partagés selon des sondages publiés samedi: 63% d'entre eux estiment justifiée la poursuite du mouvement (selon l'Ifop) mais dans le même temps, ils sont une majorité (56%, selon Opinionway) à considérer que les syndicats devront arrêter le mouvement une fois la réforme adoptée définitivement.

«Une fois la loi votée, elle doit s'appliquer», a prévenu le ministre du Travail Eric Woerth dans un entretien au journal Le Figaro samedi.