La Belgique apparaît plus ingouvernable que jamais après le rejet par les francophones d'une tentative de conciliation sur l'avenir du pays menée par le chef de file des indépendantistes flamands, ouvrant la voie à de possibles élections à haut risque.

Chargé par le roi Albert II d'une «mission de clarification» pour tenter de sortir le royaume de l'ornière politique, le président de la Nouvelle Alliance flamande (N-VA), Bart De Wever, a rendu public dimanche un long rapport préconisant une profonde réforme du système fédéral belge, augmentant fortement l'autonomie des régions.

Son texte a toutefois été immédiatement rejeté par les trois partis francophones avec lesquels il négocie en vain depuis les élections législatives du 13 juin la formation d'un nouveau gouvernement. Ils l'ont jugée «partial» et «à la limite de la provocation».

«Fabula acta est»! («le rideau est tombé»), a déclaré lundi Bart De Wever, empruntant la locution latine par laquelle on annonçait jadis la fin des représentations théâtrales. Et qu'avait prononcée l'empereur Auguste sur son lit de mort.

Une réforme de l'État accordant à la Flandre l'autonomie nettement renforcée qu'elle réclame, pour pouvoir voler davantage de ses propres ailes, est la condition préalable posée par les partis néerlandophones à la mise sur pied d'un nouveau gouvernement.

Or, la mission du chef de la N-VA était considérée comme celle de la «dernière chance».

Albert II devait du coup constater l'échec de Bart De Wever en le recevant en fin d'après-midi. La suite des événements reste incertaine, mais, relève lundi le journal La Libre Belgique, «le pays est, bloc contre bloc, plus divisé que jamais».

Un constat encore illustré au cours du week-end lorsqu'un officier supérieur francophone a regretté à la télévision que «les Flamands décident de tout» au sein de l'armée belge.

«Je n'ai pas l'impression que de nouvelles élections régleraient le problème car, d'après les sondages, elle amèneraient vraisemblablement à confirmer les vainqueurs du scrutin précédant», met en garde toutefois dans Le Soir le politologue Jean Benoît Pilet.

Le dernier scrutin du 13 juin avait été marqué en Flandre par une forte poussée des partisans de l'indépendance.

Bart De Wever proposait dans son rapport que les régions du pays aient à l'avenir plus de pouvoirs, qu'elles gèrent notamment la politique de l'emploi, les allocations familiales, ainsi qu'une partie de la politique de la santé et de la justice.

Il voulait également que les régions prélèvent elles-même 45% de l'impôt sur le revenu, autorisant une concurrence entre le Nord néerlandophone et le Sud francophone, qui craint lui d'en sortir perdant.

Bart De Wever prônait par ailleurs l'augmentation des moyens financiers de la région bruxelloise, mais à un niveau nettement inférieur aux 500 millions annuels réclamés par les francophones.

Enfin, le texte prévoyait la scission du dernier arrondissement bilingue de Belgique, celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde, ce qui supprimerait, à l'exception de six communes, des droits linguistiques spécifiques de dizaines de milliers de francophones vivant dans la banlieue flamande de la capitale.

Côté flamand, les partis ont fait bloc lundi derrière les propositions du chef de la N-VA, traduisant une radicalisation des deux grandes communautés nationales.

Pour le quotidien flamand De Standaard, «de nouvelles élections, qui obscurciront encore plus l'issue (de la crise), sont pratiquement inévitables». «C'est le chaos qui guette», ajoute le quotidien de référence en Flandre, et ce au moment où le pays assure jusque fin décembre la présidence de l'Union européenne.