La bataille en France sur la réforme des retraites entre dans sa dernière ligne droite avec une nouvelle journée d'action mardi avant le vote du texte au Sénat et le durcissement des routiers, tandis que plane toujours la menace d'une pénurie de carburants.

Après une semaine de mobilisation sans précédent depuis le début de la protestation contre cette réforme qui prévoit de reculer l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, gouvernement et syndicats campent sur leurs positions.

Le président français Nicolas Sarkozy l'a dit, son Premier ministre François Fillon l'a répété dimanche soir à la télévision TF1: le débat «ira à son terme au Sénat» et la réforme sera «votée».

Les syndicats, eux, sont déterminés à augmenter la pression avant le vote prévu mercredi par les sénateurs du texte déjà voté par l'Assemblée nationale. La question étant de savoir si les plus radicaux sont en mesure de paralyser le pays.

Après avoir réussi à mobiliser un nombre record de manifestants mardi (1,2 à 3 millions), à faire encore descendre dans la rue un nombre conséquent de personnes samedi (825.000 à 3 millions), à étendre la grève aux 12 raffineries de France, les organisations syndicales ont appelé à intensifier le mouvement dans le secteur stratégique des transports.

Des actions plus dures sont annoncées chez les routiers dès lundi matin et les cheminots dès dimanche, qui pourraient faire la jonction avec la journée de grèves et manifestations de mardi au cours de laquelle les perturbations seront étendues au trafic aérien.

Le bras de fer se cristallisait autour du carburant et la menace de pénurie alors que les automobilistes se sont rués sur les pompes ce week-end et que l'inquiétude a prévalu pour l'approvisionnement des aéroports parisiens.

Les routiers pourraient bloquer sites pétroliers et axes stratégiques, selon les principaux syndicats français CFDT et CGT.

Alors que 11 raffineries sont désormais «à l'arrêt», selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip), la CGT chez Total a prédit de nouveaux blocages de dépôts.

«Je ne laisserai pas l'économie française étouffer par un blocage de l'approvisionement en carburant», a prévenu M. Fillon. «Il n'y aura pas de pénurie», a-t-il martelé.

La Première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a qualifié François Fillon de «plus obtus et fermé que jamais». Elle a une nouvelle fois demandé au président Sarkozy «de suspendre l'examen du texte au Sénat» et «d'ouvrir le dialogue» avec les syndicats.

Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a averti que les autorités feraient «débloquer les dépôts» pétroliers si nécessaire.

Dimanche, le secrétaire d'État aux Transports Dominique Bussereau a affirmé qu'il n'y avait «aucune station sans essence» et appelé les automobilistes à ne pas paniquer. Il n'y a «plus de souci» pour les aéroports de Roissy et Orly, menacés de pénurie ces dernières 48 heures du fait du fonctionnement perturbé de l'oléoduc les alimentant, a-t-il ajouté.

Mais la situation reste «tendue», a convenu le président de l'Ufip Jean-Louis Schilansky. Dimanche, le préfet de Seine-et-Marne (près de Paris) a ordonné par arrêté la réquisition de personnel à la raffinerie Total de Grandpuits pour répondre aux «difficultés d'approvisionnement» en région parisienne.

Chez les cheminots, l'appel aussi est lancé. La SNCF a prévu un TGV sur deux en moyenne lundi. La liaison Eurostar sera normale entre Paris et Londres et la circulation des trains vers l'Allemagne quasi-normale. Tous les Thalys seront supprimés en raison de la grève des cheminots belges.

Tout le week-end, syndicats et opposition ont appelé la majorité de droite à changer de position. Le leader de la CGT Bernard Thibault a prévenu que «même une loi votée ne met pas un terme à la contestation».

Au Sénat, les opposants à la réforme poursuivent leur guérilla, multipliant amendements et prises de parole. Mais l'Élysée mise sur un essoufflement du mouvement.