Les fidèles du président français Nicolas Sarkozy veulent encore augmenter les expulsions de Roms vers la Roumanie et fixer d'assez larges conditions de déchéance de la nationalité française, suscitant des tiraillements jusque dans le gouvernement.

Après les hésitations du chef de la diplomatie Bernard Kouchner, qui a dit lundi avoir songé à la démission, un autre ministre d'ouverture, la secrétaire d'État chargée de la politique de la Ville, Fadela Amara, s'est démarquée de la politique sécuritaire du pouvoir.

La ministre s'est déclarée mardi dans la presse «contre l'élargissement» des conditions de déchéance de la nationalité, actuellement limitées aux cas de condamnation pour terrorisme et/ou atteinte à la sûreté de l'État.

Ancienne militante associative issue de l'immigration, Fadela Amara a expliqué ne pas accepter «qu'on mette les gens d'origine étrangère en insécurité», comme elle s'est dit opposée aux expulsions de Roms également au centre d'un débat controversé.

La ministre a cependant exclu de quitter le gouvernement.

De son côté, le ministre de la Défense Hervé Morin, positionné au centre-droit, s'était élevé dimanche contre ceux qui «confondent la délinquance et l'immigration».

En dépit de violentes critiques en France comme à l'étranger après des expulsions très médiatisées de Roms, le gouvernement a maintenu le cap fixé fin juillet par Nicolas Sarkozy d'un durcissement de sa politique sécuritaire.

Lundi, le ministre de l'Immigration Eric Besson a ainsi annoncé de nouvelles mesures pour «lutter plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine et de traite des êtres humains en provenance de Roumanie et Bulgarie», dans le cadre d'un projet de loi qui sera soumis le 27 septembre à l'Assemblée nationale.

Il prévoit notamment d'élargir les possibilités d'expulsion en cas «d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive» et de «sanctionner ceux qui abusent du droit au court séjour» (trois mois maximum).

Pour sa part, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a préparé deux amendements destinés à déchoir de leur nationalité des Français naturalisés depuis moins de dix ans et condamnés à des peines d'au moins cinq ans de prison, en vue d'une réunion d'arbitrage présidée vendredi par Nicolas Sarkozy.

Vigoureusement dénoncés par l'opposition et les associations de lutte contre le racisme, ces propositions ont été critiquées par l'Eglise, qui a annoncé mardi qu'elle allait «s'opposer» à des projets de loi jugés «trop durs».

Les catholiques «ne veulent pas rester silencieux quand une décision publique heurte leur conscience chrétienne», a déclaré Mgr Claude Schockert, l'évêque de Belfort-Montbéliard (est) dans un entretien au journal Le Parisien.

Visiblement très mal à l'aise, Bernard Kouchner a reconnu lundi soir être «choqué» par la distinction faite par le président Sarkozy entre les Français «d'origine étrangère» et les autres.

Face aux critiques, le premier ministre François Fillon est sorti de sa réserve lundi pour fustiger «la surenchère» parmi ceux qui, dans son camp, se sont «servis» de ce thème «pour des motifs politiques», tout en défendant sur le fond une «politique qui respecte la loi».

Soulignant une ligne de fracture au sein même du gouvernement, la socialiste Ségolène Royal a dénoncé mardi sur la radio France Inter «une crise institutionnelle» en France, «une forme de chaos».

Déjà rappelée à l'ordre par l'ONU et par le pape, la France devra s'expliquer mardi après-midi à Bruxelles: les ministres français de l'Immigration, Eric Besson, et des Affaires européennes, Pierre Lellouche, doivent discuter de «la situation des Roms» avec la Commission européenne.