Plus de 20 ans après avoir été chassé de la tête de Panama, l'ancien dictateur Manuel Noriega a été condamné mercredi à Paris à sept ans de prison pour avoir blanchi en France des fonds issus d'un trafic de drogue lié au cartel de Medellin.

Extradé le 26 avril par les Etats-Unis après avoir passé 20 ans dans une prison de Miami pour trafic de drogue, Manuel Noriega, 76 ans, était poursuivi pour le blanchiment d'environ 2,3 millions d'euros dans les années 80 sur le territoire français.

Le tribunal correctionnel de Paris a ordonné la saisie des 2,3 millions d'euros bloqués sur les comptes français de l'ancien dictateur qui devra en outre verser un million d'euros à Panama et une amende douanière d'environ 2,3 millions d'euros.

Le tribunal a estimé dans son jugement qu'il existait «suffisamment d'éléments au dossier permettant d'établir» que les fonds qui ont transité sur les comptes en France de M. Noriega «proviennent d'un trafic de stupéfiants» lié au cartel de Medellin (Colombie).

Les fonds engrangés au Panama par ce trafic transitaient par des comptes en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suisse et pour finir en France, notamment sur des comptes du CIC, de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI) et Paribas.

L'accusation avait demandé la peine maximale de 10 ans de prison contre celui qui a dirigé de facto le Panama de 1981 à 1989 et la saisie de ces sommes.

Petit, trapu, le visage grêlé, ce qui lui vaut le surnom de «face d'ananas», M. Noriega reste incarcéré à la prison parisienne de la Santé.

Ses avocats, qui avaient plaidé la relaxe, ont dix jours pour faire appel.

Selon eux, il n'existe aucune preuve de la culpabilité de leur client.

Il est «abattu, peut-être surpris aussi de cette décision que l'on a du mal a comprendre», a déclaré Me Yves Leberquier. Celui-ci a rappelé que M. Noriega avait déjà effectué à Miami 32 mois sous écrou extraditionnel qui seront déduits de sa peine d'emprisonnement.

«Nous pouvons constater que c'est une décision à connotation politique qui complaît sans doute aux autorités américaines», a commenté son collègue Me Olivier Metzner évoquant un «règlement de comptes».

Longtemps allié des Etats-Unis pendant la Guerre froide, le dictateur de ce pays d'Amérique centrale était tombé en disgrâce à Washington pour son implication dans un trafic de stupéfiants. Il avait été renversé puis capturé en 1989 au cours de l'opération militaire américaine contre le Panama ordonnée par le président George Bush père.

Il avait ensuite été condamné à 40 ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue. Sa peine avait été réduite à 17 ans pour bonne conduite. Un juge fédéral américain avait approuvé son extradition vers Paris.

A son procès, Manuel Noriega, qui souffre d'hémiplégie et d'hypertension, avait affirmé être victime d'un «montage bancaire et financier imaginaire» orchestré par les Etats-Unis.

Selon lui, les fonds placés en France ne provenaient pas de la drogue mais de diverses entreprises dont il était actionnaire majoritaire, d'héritage familial ou de revenus versés par le renseignement américain (CIA), qui l'avait recruté comme agent double dans les années 70.

Manuel Noriega avait été condamné par contumace à Paris le 1er juillet 1999 à dix ans de prison pour blanchiment et à une amende de 13,5 millions d'euros. Il avait fait appel de ce jugement, ce qui explique ce second procès.

Il a par ailleurs été condamné au Panama à 54 ans de prison pour son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants entre 1968 et 1989.

Paris avait fait savoir qu'une éventuelle extradition vers le Panama ne pourrait avoir lieu qu'après sa comparution devant la justice française.

Le gouvernement panaméen a, de son côté, maintenu mercredi sa demande d'extradition de Manuel Noriega.

«Le gouvernement national maintient sa position selon laquelle (...) Noriega doit purger les peines prononcées par les autorités judiciaires panaméennes (...), c'est pourquoi il continuera à insister sur son extradition», déclare le ministère panaméen des Affaires étrangères dans un communiqué.