L'imminence de la libération d'Ali Vakili Rad, un Iranien condamné en France pour l'assassinat en 1991 de l'ex-premier ministre du Shah Chapour Bakhtiar, a ravivé lundi le soupçon de tractations entre Paris et Téhéran pour le retour de la Française Clotilde Reiss.

Le ministre français de l'Intérieur Brice Hortefeux devait signer lundi un arrêté d'expulsion de Vakili Rad, ouvrant ainsi la voie à sa remise en liberté.

La justice française doit se prononcer mardi sur la libération  conditionnelle de l'Iranien, condamné à perpétuité en 1994 en France pour l'assassinat de Chapour Bakhtiar trois ans plus tôt.

Ayant accompli la part incompressible de sa peine (18 ans), Ali Vakili Rad est libérable depuis près d'un an, mais sa remise en liberté conditionnelle n'était envisageable que si le ministère de l'Intérieur ordonnait son expulsion.

Toutes les conditions étant réunies, Ali Vakili Rad devrait pouvoir regagner très rapidement l'Iran.

Contrepartie ou hasard de calendrier ? Dès le retour en France dimanche de la jeune universitaire française, retenue en Iran pendant dix mois pour avoir participé à des manifestations anti-gouvernementales, les interrogations se sont multipliées.

La presse s'est immédiatement interrogée sur l'existence d'un «échange» de détenus, tandis que le porte-parole de l'opposition socialiste, Benoît Hamon a réclamé la «transparence» du gouvernement.

«Je pense, comme beaucoup de Français (...) qu'il y a probablement eu des contreparties», a-t-il déclaré lundi sur la chaîne I-Télé, évoquant la pratique de «négociations» dans des affaires de ce type.

Paris comme Téhéran ont démenti tout lien entre la libération de la jeune femme et celles d'Iraniens détenus en France, notamment Ali Vakili Rad et Majid Kakavand, que Paris a refusé d'extrader aux États-Unis, malgré la concomitance de dates et le fait que téhéran ait plusieurs fois relié ces affaires.

Majid Kakavand, un ingénieur iranien, retenu en France depuis mars 2009, était accusé par Washington d'avoir fourni à son pays des composants électroniques ayant de possibles applications militaires. La justice française refuse son extradition le 5 mai, lui permettant de rentrer en Iran dans les quarante-huit heures.

Son retour avait été applaudi à Téhéran comme un élément «positif» pour les relations bilatérales et l'Iran avait dit espérer un dénouement rapide de l'affaire Reiss.

Quelques mois plus tôt, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad lui-même avait comparé le sort de Clotilde Reiss et celui d'Iraniens retenus en France.

Lundi, le ministère français des Affaires étrangères a réitéré les démentis fermes du chef de la diplomatie Bernard Kouchner, qui avait affirmé dimanche qu'il n'y avait eu «aucune contrepartie», «aucun marchandage», assurant qu'«en France, on n'influence pas des décisions des juges».

«L'affaire Clotilde Reiss n'a fait que retarder la libération de mon client», a affirmé de son côté lundi à l'AFP l'avocat de Vakili Rad, Me Sorin Margulis.

Dimanche, le président Nicolas Sarkozy n'avait pas évoqué la polémique, mais remercié «particulièrement» ses homologues brésilien, syrien et sénégalais pour leur «rôle actif» pour débloquer le sort de Clotilde Reiss.

De sources diplomatiques, l'intervention du brésilien Luiz Inacio Lula da Silva aurait été déterminante ces derniers jours, tandis que le président Sénégalais Abdoulaye Wade a revendiqué un rôle central de médiateur.

Par ailleurs, le porte-parole du Quai d'Orsay Bernard Valero a démenti «catégoriquement» tout lien entre Clotilde Reiss et les services de renseignement français, comme l'a affirmé lundi un ancien cadre de ces services.