Des milliers de Français avaient voulu voir en lui un héros. Un singulier justicier qui dérobait aux riches... sans nécessairement donner aux pauvres. Mais Toni Musulin n'est rien de plus qu'un homme ordinaire «passé de l'autre côté» de la loi en raison d'un conflit au travail.

C'est du moins ce qu'affirme le principal intéressé, ancien convoyeur de fonds de la firme Loomis devenu célèbre dans l'Hexagone l'automne dernier après avoir réussi à dérober 11,6 millions d'euros dans un fourgon blindé dont il avait la charge.

«On me dit que je suis un Robin des bois, mais non, je suis normal. J'ai eu un souci avec mon patron», a déclaré l'accusé, hier, devant le tribunal correctionnel de Lyon.

L'homme d'origine serbe, reprenant une explication esquissée par ses avocats dans les jours précédents, a expliqué, selon l'Agence France-Presse, qu'il avait décidé de se «révolter» contre ses conditions de travail en organisant un coup d'éclat embarrassant pour son employeur.

«J'en suis arrivé à faire ce que je ne devais pas faire et il faut dire merci aux chefs», a ironisé Musulin.

Où est l'argent?

Quelques jours après le vol, les enquêteurs avaient retrouvé un peu plus de 9 millions d'euros dans un coffret loué par l'accusé, qui s'était enfui vers l'Italie à moto. Mais il manque toujours 2,5 millions d'euros. La police se demande si Musulin, qui s'était finalement rendu aux autorités de Monaco 11 jours après le vol, a utilisé ce temps pour cacher l'argent en vue de le récupérer à sa sortie de prison.

Devant une salle d'audience remplie, l'accusé a dit hier qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvaient les millions manquants. «Moi, je n'ai pas pris l'argent. C'est pas moi qui ai l'argent», a-t-il lancé au président du tribunal avant de suggérer que le propriétaire du coffret loué avait pu s'emparer d'une partie du butin, ou encore que quelqu'un avait pu finir de vider le fourgon blindé de Loomis, dont il n'était pas parvenu à mettre tout le contenu dans le véhicule qu'il avait loué en prévision du vol.

Musulin risque trois ans de prison pour vol simple, plus cinq ans pour escroquerie, car il est aussi accusé d'avoir voulu frauder sa compagnie d'assurances en déclarant volée une Ferrari achetée aux enchères en 2008.

Une chanson et des t-shirts

Ses avocats accusent la justice d'avoir jumelé ces deux affaires pour pénaliser au maximum leur client, qui a tenté en vain, en multipliant les recours, de recouvrer sa liberté en attendant le dénouement du procès.

Encore hier, ils ont tenté de faire bloquer l'ouverture du procès en arguant que la Cour de cassation avait erré en rejetant trop rapidement une requête portant sur la manière dont le Musulin a été extradé de Monaco en France.

«Toni Musulin a volé le fourgon, mais il n'y a pas eu d'effusion de sang. Il faut arrêter de s'acharner contre lui», a plaidé l'avocat Hervé Banbanaste.

L'accusé, qui affirme ne pas priser l'attention du public, avait reçu le soutien de milliers de personnes dans les jours suivant l'annonce de son délit. Plusieurs groupes d'admirateurs avaient vu le jour sur Facebook et des commerçants avaient lancé des t-shirts à son effigie. Un rappeur lui avait même consacré une chanson.

Six mois plus tard, la fièvre est retombée, mais les débats continuent sur les forums et les blogues relativement au caractère admirable ou pas de son action.

«On dira bien joué mais tu n'es qu'un voleur et tu donnes de mauvaises idées à de petits cerveaux», a écrit hier un internaute dénommé Gary.

«Tu es jaloux qu'il soit plus intelligent que toi», a rétorqué un admirateur, Laurent, avant de souligner qu'il souhaitait l'acquittement de l'accusé.