L'affrontement en public inédit, jeudi, entre le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi et son allié Gianfranco Fini a été perçu en Italie comme une fracture impossible à combler qui pourrait fragiliser le gouvernement, voire déboucher sur des élections anticipées.

«Rupture», «guerre totale», «affrontement en direct»: l'échange verbal entre les deux leaders de centre-droit retransmis par les chaînes d'information en continu a surpris les journaux par sa violence.

Ce «psychodrame» s'est déroulé pendant une réunion du PDL (Peuple de la Liberté), cofondé il y a deux ans par MM. Berlusconi et Fini, alliés depuis l'entrée en politique du Cavaliere en 1994.

À M. Fini qui réclamait la création d'un courant interne, Berlusconi a opposé une fin de non-recevoir. «Si tu veux être libre de tes positions politiques, tu n'as qu'à quitter la présidence de la Chambre des députés», lui a lancé Berlusconi, une hypothèse que Fini a immédiatement exclue.

Au-delà des mots, ce sont les gestes qui ont frappé les esprits avec un Berlusconi très énervé agitant les mains comme pour dire «Va-t'en si tu veux» et Fini debout sous la tribune lui répondant: «Qu'est-ce que tu fais, tu me chasses?».

Les querelles entre Fini et Berlusconi sont récurrentes mais «jamais on n'en était arrivé à un tel point», a commenté Ugo Magri pour La Stampa, tandis que Massimo Franco du Corriere della Sera relevait qu'«on a frôlé l'affrontement physique».

Depuis plusieurs mois déjà, M. Fini tentait d'exister au sein de la coalition au pouvoir en se démarquant de positions gouvernementales dictées selon lui par la populiste Ligue du nord, allié-clé du PDL, notamment en se montrant plus modéré qu'elle sur l'immigration.

«Après la victoire de la stratégie du PDL et de la Ligue aux régionales de fin mars, il s'est retrouvé coincé et a cherché à se ménager un nouvel espace», analyse pour l'AFP Marco Tarchi, professeur de sciences politiques à Florence.

Pour Stefano Folli du quotidien Sole-24 Ore, on a assisté jeudi à «la naissance d'un nouveau PDL où pour la première fois, on peut exprimer un désaccord en pleine lumière» dans un parti habitué à aduler son chef et au principe d'unanimité.

Mais la plupart des autres commentateurs se montraient moins optimistes, estimant que la séparation de fait du couple Berlusconi-Fini se traduira par une «guérilla» au Parlement et ralentira l'action gouvernementale.

En tant que président inamovible de la Chambre des députés, M. Fini influence son ordre du jour et dispose d'une tribune permanente.

Selon Ezio Mauro, directeur du journal de gauche Repubblica, Fini «tentera de rester dans le PDL (...) mais il devra s'en aller tôt ou tard». Et de son côté, le Cavaliere «oscillera entre paternalisme et poigne de fer», et «à la fin rompra définitivement» puis «réclamera des élections anticipées».

Une perspective plutôt périlleuse pour M. Fini car la réunion de jeudi a montré qu'il est très minoritaire au sein du PDL: le document final refusant la création de courants internes a été adopté à une écrasante majorité des 177 délégués, avec seulement une dizaine de voix dissidentes (6-7%).

Pour le politologue Marco Tarchi, «la tactique de Fini est peu rationnelle, on ne comprend pas où il veut aller».

D'aucuns lui ont prêté l'intention de s'allier au libéral Luca Cordero di Montezemolo, qui vient de démissionner de la présidence de Fiat, au centriste catholique Pier Ferdinando Casini et à l'ex-leader de centre-gauche Francesco Rutelli.

«Mais cela ferait vraiment trop de coqs dans le poulailler», a estimé M. Tarchi à propos de l'égo et de la concurrence entre ces personnalités en cas de regroupement au sein d'un éventuel grand parti du centre.