Le gouvernement intérimaire du Kirghizistan a annoncé jeudi la tenue en octobre d'élections législatives et présidentielles, précédées d'un référendum constitutionnel, afin de stabiliser et démocratiser ce pays stratégique d'Asie centrale traumatisé par une révolte sanglante.

Les Kirghiz éliront le 10 octobre leurs prochains président et Parlement et pourront adopter leur nouvelle Constitution lors d'une consultation le 27 juin, a déclaré à la télévision Omourbek Tekebaïev, chef-adjoint des autorités intérimaires.

Ces scrutins visent à remplacer le système politique renversé début avril à l'issue de violents affrontements entre forces de l'ordre et opposants au président Kourmanbek Bakiev, désormais exilé au Bélarus.

L'annonce des élections intervient alors que la communauté internationale presse le gouvernement intérimaire de mettre en place au plus vite un régime issu des urnes, un message relayé notamment par les États-Unis et la Russie, qui disposent de bases militaires dans ce pays.

Or, le Kirghizistan peine à se stabiliser deux semaines après le soulèvement qui a fait 85 morts. En début de semaine, de nouvelles violences ont encore fait cinq morts en banlieue de Bichkek, la capitale.

La vaste réforme politique annoncée vise dès lors à pacifier un pays traditionnellement divisé entre le nord -où le soulèvement a eu lieu- et le sud, où se situe Djalal-Abad, fief de M. Bakiev.

«Actuellement (le sud) est calme. Djalal-Abad pose encore certaines difficultés, car c'est là qu'est la patrie, la famille, le clan de Bakiev. Ils essaient sans cesse de déstabiliser la situation», a ainsi noté Rosa Otounbaïeva, chef du gouvernement provisoire, dans un entretien au quotidien russe Rossiïskaïa Gazeta.

M. Tekebaïev a lui indiqué que la nouvelle loi fondamentale affaiblirait considérablement le président au bénéfice du Parlement, alors que M. Bakiev et son prédécesseur, Askar Akaïev, ont été renversés en raison de la dérive autoritaire et du népotisme ayant caractérisé leurs régimes politiques respectifs.

«Dans ce projet, le système politique sera établi de manière à éviter la concentration du pouvoir dans les mains d'une seule personne. Le président sera privé de son immunité et les membres de sa famille ne bénéficieront plus de financements de l'État», a-t-il dit.

«Le chef de l'État vivra avec son propre salaire», a-t-il ajouté.

La nouvelle Constitution va aussi interdire qu'un seul parti politique détienne plus de 50 sièges au Parlement kirghiz qui en totalise 90, a poursuivi M. Tekebaïev, alors que le parti Ak-Jol de M. Bakiev était ultra-majoritaire dans l'assemblée précédente.

Réfugié au Bélarus, le président déchu a affirmé mercredi être toujours le chef de l'État, alors qu'il avait signé une lettre de démission après avoir fui le 15 avril du Kirghizistan suite à des négociations coordonnées par la Russie et les États-Unis.

«Je ne sais qu'une chose, et cela a été dit officiellement, Kourmanbek Bakiev a transmis par fax à Bichkek sa lettre de démission. C'est un document et des déclarations orales ne peuvent rien y changer», a rétorqué jeudi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Certains analystes voient la main de la Russie derrière la chute du président kirghiz, ce dernier s'étant attiré la colère de Moscou en revenant sur sa promesse de fermer la base aérienne américaine au Kirghizistan, essentielle au déploiement des troupes en Afghanistan.