La photographe ouzbèke Oumida Akhmedova, auteur de clichés et d'un documentaire illustrant la pauvreté en Ouzbékistan, est jugée depuis mardi pour «calomnie» à l'encontre de ce pays d'Asie centrale constamment critiqué pour ses atteintes aux libertés.

«Le procès d'Oumida Akhmedova (...) est à l'audience maintenant», a déclaré mardi le juge Bekzod Ermatov, à l'ouverture du procès pour «calomnie» et «calomnie ou insulte par voie de presse», des délits passibles de deux ans de prison ferme.

La photographe de 54 ans a été poursuivie après qu'un groupe d'expert désigné par les autorités a conclu que ses photos n'étaient «pas conformes aux normes esthétiques» -un jargon rappelant fortement la période soviétique- et estimé que son oeuvre portait atteinte aux «valeurs spirituelles» ouzbèkes.

Les travaux en cause consistent en un album de plus de 100 photos consacrées aux habitants de l'Ouzbékistan, «Les femmes et les hommes: de l'aube au coucher», et un film documentaire sur les droits des femmes. Ils avaient été financés par l'ambassade suisse en Ouzbékistan.

L'accusée, les traits creusés, a plaidé non coupable devant le tribunal du district de Mirabad à Tachkent. «Je me sens mal, je suis une créatrice et me trouver comme ça assise dans une salle d'audience comme un criminel est très désagréable», a-t-elle confié à l'AFP.

«J'ai l'impression que la victime de calomnie, c'est moi», a ajouté Mme Akhmedova.

Pour Sourat Ikramov, directeur du Groupe d'initiative des défenseurs des droits de l'homme en Ouzbékistan, ce procès représente un dangereux précédent pour la liberté d'expression. Car si Tachkent est accusé depuis longtemps de museler la presse dissidente et l'opposition politique, ces poursuites contre une artiste-photographe marquent une nouvelle escalade.

«Si les choses continuent comme ça, que va-t-il arriver demain aux peintres et aux compositeurs ?», a-t-il relevé. «C'est absurde».

Le régime du président ouzbek, Islam Karimov, est régulièrement critiqué par les organisations de droits de l'homme en raison de son recours aux procédures judiciaire pour «calomnie», «diffamation» ou «extrémisme», destinées à faire taire ses détracteurs.

Tachkent qui est très sensible à son image à l'étranger, rejette en bloc toutes ces accusations.

Les pays occidentaux ont tenté en vain de forcer l'Ouzbékistan à améliorer son bilan démocratique en l'isolant diplomatiquement, après la répression sanglante d'un soulèvement et d'une manifestation à Andijan (est) en mai 2005.

Mais depuis, les relations avec l'Union européenne et les États-Unis se sont détendues alors que Tachkent se dit prêt à les aider sur le dossier de l'Afghanistan, avec qui l'Ouzbékistan partage une longue frontière.

Les Ouzbeks «savent très bien que les mesures prises à l'intérieur du pays n'ont pas de véritable impact sur la politique étrangère de l'UE et des États-Unis», relève Annette Bohr, du centre d'analyse de politique étrangère londonien Chatham House.

Selon elle, «le temps du débat entre valeurs et intérêts est derrière nous. Et (le régime ouzbek) compte bien traiter son opposition comme bon lui semble».