Le procès de John Demjanjuk, 89 ans, s'est ouvert lundi à Munich pour complicité dans la mort de 27 900 personnes au camp d'extermination nazi de Sobibor, en Pologne, où la justice l'accuse d'avoir occupé la fonction de garde.

Ses avocats ont immédiatement accusé le tribunal de partialité.

Extradé des États-Unis en mai dernier, Demjanjuk, un ouvrier de l'automobile de l'Ohio à la retraite, est arrivé en chaise roulante coiffé d'une casquette de baseball et le corps dissimulé sous une couverture bleue clair.

Ses avocats ont d'emblée déposé une motion contre le juge et le ministère public, les accusant de traiter leur client, d'origine ukrainienne, avec plus de sévérité que les Allemands qui ont dirigé le camp de Sobibor durant la Seconde Guerre mondiale.

L'avocat Ulrich Busch a affirmé que ce procès n'aurait jamais dû s'ouvrir, citant des cas d'Allemands affectés à Sobibor qui ont été acquittés. «Comment pouvez-vous dire que ceux qui ont donné les ordres étaient innocents (...) et que celui qui a reçu les ordres est coupable?», a-t-il lancé devant le tribunal. Et de dénoncer un «deux poids deux mesures moral et juridique». En détention en Allemagne depuis son extradition, Demjanjuk risque 15 ans de prison.

Son fils John Demjanjuk Jr a déclaré à l'Associated Press que son père souffre d'une maladie de la moelle osseuse et n'a peut-être plus que quelques mois à vivre. Un médecin a examiné l'accusé deux heures avant l'ouverture du procès, qui a été limité à deux audiences de 90 minutes par jour, jugeant son état de santé stable.

Lors de la première audience, Demjanjuk a gardé les yeux ouverts mais n'a pas répondu aux questions du juge sur son état civil. Il a ouvert plusieurs fois la bouche, grimaçant apparemment de douleur.

Il a été amené à la deuxième audience de la journée sur une civière. Les médecins qui l'ont examiné avant la reprise du procès ont précisé qu'il s'était plaint de douleurs aiguës et avait reçu une injection. Ils ont ordonné que la seconde audience soit raccourcie, et celle-ci s'est achevée une demi-heure après. Le procès doit reprendre mardi et les audiences se poursuivre jusqu'en mai.

Le chasseur de nazis Efraim Zuroff, du Centre Simon Wiesenthal, juge importante la tenue de ce procès et pense que Demjanjuk cherche peut-être à se faire passer pour plus malade qu'il ne l'est vraiment. «Il a un intérêt particulier à apparaître aussi malade et fragile que possible», a déclaré M. Zuroff, qui a assisté à l'ouverture du procès.

Cet ancien soldat de l'armée soviétique est accusé de s'être porté volontaire pour travailler comme garde sous la direction des SS après avoir été fait prisonnier en 1942. L'accusation affirme que même s'il ne reste plus de témoins vivants pour le mettre en cause pour des faits précis, le simple fait d'avoir été garde dans un camp de la mort signifie qu'il était impliqué dans les crimes nazis.

Le ministère public doit d'abord prouver que Demjanjuk, qui est jugé à Munich car il a vécu brièvement dans la région après la guerre, a bien été en poste à Sobibor. L'accusé met en doute l'authenticité d'une pièce majeure du dossier: une carte d'identité SS qui selon l'accusation montre une photo de Demjanjuk jeune et précise qu'il travaillait dans le camp de Sobibor. John Demjanjuk se déclare victime d'une erreur d'identité.

Le dossier d'accusation s'appuie également sur des déclarations d'Ignat Daniltchenko, un Ukrainien aujourd'hui décédé, qui avait servi dans l'armée soviétique et avait été exilé en Sibérie après la guerre pour avoir collaboré avec les nazis.

En 1979, il avait déclaré au KGB avoir servi avec Demjanjuk à Sobibor, ajoutant que Demjanjuk «comme tous les gardes du camps, a participé au meurtre de masse des juifs». Mais les déclarations de Daniltchenko présentent des incohérences et la défense met en doute leur validité.

John Demjanjuk a déjà eu affaire à la justice en Israël, où il a été condamné à mort en 1988 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Au cours du procès, d'anciens prisonniers avaient reconnu en lui «Ivan le terrible», bourreau du camp d'extermination de Treblinka (Pologne).

Mais le verdict avait été cassé en 1993 par la Cour suprême israélienne en raison d'une erreur sur l'identité de l'accusé, et Demjanjuk avait ainsi été libéré après sept ans de prison et renvoyé aux États-Unis. Il a été déchu en 2002 de la nationalité américaine.