L'ex-président français Jacques Chirac fait un portrait au vitriol de ses anciens alliés et rivaux politiques, dont Valéry Giscard d'Estaing, dans le premier tome de ses mémoires publié cette semaine et où pointe aussi son amertume à l'égard de son successeur Nicolas Sarkozy.

«Chaque pas doit être un but» est le titre de ce volume de 500 pages qui sera mis en vente jeudi, moins d'une semaine après le renvoi devant la justice de M. Chirac, 76 ans, pour des emplois de complaisance présumés accordés à des proches alors qu'il était maire de Paris (1977 à 1995). L'ancien président (1995-2007) ne revient pas sur ces faits dans le livre tiré à 230.000 exemplaires, et qui va jusqu'à 1995, avant un deuxième tome sur la période plus récente, prévu en 2010.

Il y décrit Nicolas Sarkozy, son ancien protégé, comme un homme «nerveux, empressé, avide d'agir», dont la «défection» avant la présidentielle de 1995 ne l'avait «pas laissé indifférent».

Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre du Budget, avait décidé de soutenir l'autre candidat de la droite, Edouard Balladur, alors premier ministre.

De son enfance dans le centre de la France à son accession à la présidence en passant par la maladie mentale de sa fille aînée Laurence, Jacques Chirac, jusqu'à présent très discret et pudique, fait le récit de sa vie personnelle et de son entrée en politique.

Il livre notamment le récit de son «dépucelage» à 18 ans, alors qu'il était dans la marine, dans un port du Maroc. «Je n'étais plus le même homme» après avoir passé la nuit dans «un des fameux quartiers de la casbah», écrit-il.

À la même époque, il est tenté par la gauche - jusqu'à distribuer le journal communiste L'Humanité à Paris -, attiré par les «idéaux pacifistes» avant de s'engager à droite.

Mais s'il fait l'éloge de son mentor, l'ex-président Georges Pompidou - «plus encore qu'un père spirituel, un modèle» -, il règle des comptes avec plusieurs de ses anciens alliés politiques, qui furent aussi ses rivaux au sein de la droite française.

L'ex-président Valéry Giscard d'Estaing, dont il fut le premier ministre de 1974 à 1976, est décrit comme hautain. «Dans son échelle des valeurs, il y avait lui-même, tout en haut, puis plus rien, et enfin moi, très en-dessous», écrit Jacques Chirac, racontant avoir été «à peine consulté sur le choix des ministres».

Après sa défaite à la présidentielle de 1981, à laquelle il accusait Jacques Chirac d'avoir contribué par calcul politique, Valéry Giscard d'Estaing lui aurait témoigné une «rancune tenace et inépuisable».

L'ancien premier ministre Edouard Balladur, qui rompit un accord tacite en faisant concurrence à Jacques Chirac à la présidentielle en 1995, est, lui, un «calculateur froid au raffinement acéré», écrit l'ancien président, qui a eu lui-même en son temps une réputation de «tueur» politique.

Il rend en revanche un hommage appuyé à son prédécesseur socialiste, François Mitterrand, qu'il côtoya en qualité de premier ministre après la victoire de la droite aux législatives de 1986. Celui-ci lui apparut alors «d'une finesse de jugement et d'une intelligence tactique (qu'il avait) rarement rencontrées dans le monde politique», écrit-il.

Après plus de 40 ans de vie publique, M. Chirac est très populaire en France, avec 76% d'opinions positives. Il se consacre désormais à une fondation oeuvrant au développement durable et au dialogue des cultures.