Débâcle en Allemagne, perte de la majorité absolue au parlement portugais, les élections de dimanche traduisent le recul des socialistes en Europe, au profit de formations plus radicales sur leur gauche et qui ont durci leur position anti-capitaliste depuis la crise.

«Il y a une tendance globale au recul de la social-démocratie depuis 20 ans», constate le politologue français Philippe Braud. D'une part «tout le monde, même la droite, est devenu social-démocrate: même Nicolas Sarkozy ou Angela Merkel défendent la couverture santé, le revenu minimum ou la protection sociale», explique-t-il.

D'autre part, «parce que dans une époque où se sont imposées la mondialisation et l'économie de marché, la droite paraît paradoxalement plus rassurante».

«Une Europe sans gauche» titrait lundi le journal italien La Stampa, présentant la défaite historique des sociaux-démocrates allemands du SPD comme un «signal d'alarme grave» pour la gauche européenne, notamment sanctionnée pour sa participation à des coalitions de droite.

Au Portugal, la victoire des socialistes dimanche aux élections législatives a toutefois été tempérée par la perte de la majorité absolue au Parlement.

Désormais «absente des gouvernements des deux plus gros pays continentaux, France et Allemagne», la gauche «le sera bientôt du Royaume-Uni», pronostiquait le quotidien espagnol El Pais, alors que les travaillistes britanniques sont critiqués pour leur gestion de la crise et en passe de céder le pouvoir après un règne de près de 14 ans.

Comme les politiques, les journaux européens soulignaient lundi le lourd tribut payé par le SPD, qui a enregistré son plus bas score historique (23%) aux législatives de dimanche, après quatre ans de participation à un gouvernement de centre droit.

Les conservateurs (CDU/CSU) de la chancelière Angela Merkel et leurs alliés libéraux du FDP ont remporté une majorité confortable (332 députés sur 622), selon les résultats officiels, qui dénotent un débordement du SPD sur sa gauche, avec la percée de Die Linke (11,9%), un parti néo-communiste qui défend des thèses radicales en matière de justice sociale et une ligne pacifiste.

Cette émergence est favorisée par la perte des repères politiques traditionnels, constate Philippe Braud, expliquant que la CDU et le SPD ne polarisaient plus la vie politique depuis qu'ils participaient ensemble à une coalition.

«Cela ne veut pas dire que ces partis protestataires aient un grand avenir», tempère-t-il, estimant qu'ils ettront à terme de l'eau dans leur vin - et perdront des électeurs - pour participer à leur tour à des coalitions de gouvernement, ou se marginaliseront en restant radicaux.

La montée d'une gauche radicale comme celle des écologistes, qui ont réalisé de bons scores lors d'élections nationales comme lors des dernières élections européennes, va contraindre les socialistes à redéfinir leur projet politique s'ils ne veulent pas entrer dans une longue période d'opposition.

Dès dimanche, Jean-Luc Mélenchon, chef du Parti de Gauche (gauche des socialistes français), avait invité la gauche française à méditer les résultats des élections allemandes, avec l'«échec misérable» du SPD et le «score remarquable» de Die Linke, condamnant tout projet d'alliance avec la droite.

De son côté, le premier ministre socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero a nié l'existence d'un «vent favorable aux conservateurs» en Europe, attribuant la «correction» subie par le SPD à «sa présence au gouvernement», une situation empêchant, selon lui, de définir sa «propre identité politique et (son) projet».