Impossible de trouver du Tamiflu dans les pharmacies de Tower Hamlets, quartier populaire de l'est de Londres devenu la zone la plus affectée par la grippe A dans le pays. L'antiviral est désormais fourni au compte-goutte dans un centre de distribution à l'adresse bien gardée.

Jusqu'à 400 personnes se rendent chaque jour dans ce centre, près de l'hôpital de Mile End, en première ligne face à la pandémie de grippe A(H1N1). Malgré quelques files d'attente le matin, tout se passe dans le calme.

«Nous avons plus de cas de grippe A(H1N1)par habitant que n'importe où ailleurs en Angleterre. Nous subissons une pression supplémentaire mais je pense que tout le monde arrive à faire face», explique Douglas Russell, directeur médical de Tower Hamlets où l'on a enregistré 792 consultations pour 100 000 personnes la semaine dernière.

Le rythme de propagation de la maladie a quasiment doublé au cours de la dernière semaine en Angleterre, pays le plus touché d'Europe, avec quelque 100 000 nouveaux cas et au moins 30 morts.

Les économistes craignent un impact tel sur la population active qu'il pourrait aggraver la récession et faire se contracter le PIB jusqu'à 7,5% cette année, selon le pire des scénarios calculé par Ernst & Young.

Pour limiter la propagation, les autorités sanitaires tentent de dissuader les malades de se déplacer et les incitent à envoyer un proche chercher les précieux comprimés.

Dans ce quartier jeune, à la population particulièrement dense, où l'on trouve la plus grande communauté de Bangladais du pays, la municipalité a multiplié les efforts d'information.

Des dépliants en anglais, bangladais et somali et les médias locaux incitent à respecter les consignes. Des annonces sont faites après la prière à la mosquée. Seuls les malades qui ont reçu un diagnostic positif et dont les symptômes le requièrent, se voient prescrire du Tamiflu. «On a vu un afflux de gens. Ils sont assez anxieux en général, il y a pas mal d'inquiétude dans le quartier», explique Lindsay Collins, une infirmière chargée d'aller chercher les boîtes de Tamiflu, gardées sous clef dans une armoire.

Malgré les avertissements, des personnes présentant des symptômes suspects se présentent tout de même au centre. Elles sont alors isolées dans une salle à part, on leur donne un masque avant de les examiner et de leur prescrire si besoin le médicament.

M. Islam, un Bangladais de 25 ans, vient chercher du Tamiflu pour sa nièce de 12 ans. La famille a appelé le médecin, qui a confirmé le diagnostic et faxé l'ordonnance au centre. «Tout s'est bien passé, le médecin nous a expliqué comment faire», dit-il.

Domenico Santamaria, un professeur de Chieti, une ville du centre de l'Italie, venu avec 34 élèves à Londres, a lui dû faire plusieurs visites au centre. Cinq enfants de son groupe ont été infectés et ce séjour est devenu un casse-tête. «C'est vraiment un gros problème, comme vous l'imaginez les parents sont inquiets, certains paniquent» même si généralement la maladie n'est pas si grave, dit-il en soupirant.

Pour alléger la pression sur les médecins, qui multiplient les heures supplémentaires, les autorités sanitaires ont lancé jeudi une ligne téléphonique et un service sur internet qui permettront aux malades de se procurer du Tamiflu sans avoir recours à leur généraliste.

En composant le numéro d'un centre d'appel ou en répondant à un questionnaire sur un site internet, les malades peuvent recevoir un diagnostic et éventuellement une ordonnance pour un antiviral. Dès les premières heures, le site a enregistré plusieurs millions de connexions.