Le conflit entre Moscou et Kiev ne montrait lundi aucun signe d'embellie, Gazprom ayant annoncé des mesures censées décourager le «vol» de son gaz par l'Ukraine, tandis que les Européens tentaient de dédramatiser en dépit des baisses de livraisons constatées dans plusieurs pays.

Les deux pays voisins ont continué à s'accuser mutuellement et se rejeter la faute des perturbations provoquées par le conflit.A Moscou, le ton était vif lors de la rencontre entre le Premier ministre russe Vladimir Poutine et le patron du géant public Gazprom Alexeï Miller.

Depuis le 1er janvier, 65,3 millions de mètres cubes de gaz ont été volés par l'Ukraine, a ainsi accusé M. Miller, ce qu'a démenti par la suite un porte-parole du groupe ukrainien public Naftogaz.

M. Poutine a en réaction ordonné au groupe de réduire d'autant les livraisons vers l'Europe opérées via l'Ukraine, et de continuer à agir de cette façon à l'avenir, afin de prévenir ces «vols».

Gazprom prévoit néanmoins de continuer d'approvisionner ses clients européens en contournant l'Ukraine, a promis M. Miller, qui a évoqué des routes alternatives via le Bélarus, la Pologne et la Turquie, voire l'achat de gaz sur les marchés internationaux pour compenser.

Le 1er janvier, la Russie avait cessé d'approvisionner en gaz son voisin après des négociations infructueuses sur le tarif à appliquer pour l'année 2009 et sur des arriérés de paiement, mais une très grande partie (80%) de ses exportations destinées à l'Europe continuent de transiter via le territoire ukrainien.

Une délégation composée de hauts responsables de la présidence tchèque de l'UE, ainsi que de la Commission européenne a été dépêchée à Kiev, où son arrivée lundi soir a été confirmée par Naftogaz. Elle devrait également rencontrer mardi, «dans une capitale européenne» non précisée, les représentants du géant gazier russe Gazprom.

En attendant, plusieurs pays ont fait état de baisses importantes de leurs approvisionnements, comme la Roumanie (30%), la Hongrie (environ 20%) ou la République tchèque (9,5%).

La Bulgarie, où les livraisons ont baissé de 15% à 17%, a demandé lundi aux grandes entreprises de limiter leur consommation de gaz jusqu'à la résolution du conflit.

Ces nouvelles turbulences interviennent au moment où la vague de froid qui sévit en Europe risque d'entraîner une hausse immédiate de la consommation de gaz.

A l'inverse, la ministre française de l'Economie Christine Lagarde a estimé lundi que les approvisionnements en gaz de la France n'étaient «en aucune manière menacés». Elle venait de rencontrer le vice-président de Gazprom Alexandre Medvedev, actuellement en tournée européenne pour défendre le point de vue russe.

A Bruxelles, un porte-parole de la Commission européenne s'est borné à reconnaître que des «irrégularités» avaient été constatées dans l'approvisionnement de certains des 27 pays de l'Union européenne, mais assuré qu'elles ne constituaient pas «un danger immédiat» car les niveaux de stocks sont «assez élevés entre 70 et 90%».

Pour autant, l'Europe a intérêt à ce que «la dispute soit résolue aussi vite que possible», a ajouté Ferran Tarradellas, le porte-parole de la Commission européenne. Tous les pays assurent disposer de réserves suffisantes.

L'Ukraine de son côté exige aussi que soit reconnu comme non valide l'accord conclu en 2006 avec la Russie sur le transit du gaz russe sur son territoire, et a obtenu sa suspension provisoire par un tribunal ukrainien, a indiqué Kiev. Une mesure qualifiée lundi d'«illégitime» par le porte-parole de Gazprom, Sergeï Kouprianov.