Face au Congrès réuni au grand complet, le président des États-Unis Donald Trump a lancé mardi soir un appel au rassemblement à l'issue d'une première année au pouvoir marquée par les divisions et une avalanche de polémiques et de scandales.

«Ensemble, nous construisons une Amérique sûre, forte et fière», a-t-il lancé lors de son premier discours sur «l'état de l'Union» suivi en direct par des dizaines de millions de téléspectateurs.

Dans un long discours maigre en détails ou en annonces, le locataire de la Maison-Blanche a adopté un ton plutôt conciliant sur nombre de sujets même s'il a, fidèle à sa rhétorique, décrit l'immigration d'abord sous le prisme de la violence, de la drogue ou du terrorisme.

«Ce soir, je veux vous parler (...) du type de pays que nous allons devenir. Nous tous, ensembles, comme une seule équipe, un seul peuple et une seule famille américaine», a affirmé le président septuagénaire, régulièrement accusé d'attiser les tensions par ses piques moqueuses voire méprisantes et sa rhétorique enflammée.

Au plus bas dans les sondages, sous la menace de l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l'interférence russe dans la campagne, M. Trump s'est tenu à l'écart des critiques frontales de ses adversaires. Et a esquissé des pistes de coopération avec les démocrates, de l'immigration aux infrastructures.

Preuve des divisions qui marquent le Congrès: la moitié de l'hémicycle se levait régulièrement comme un seul homme durant le discours, tandis que l'autre restait uniformément assise.

Si ce rendez-vous annuel très prisé du tout-Washington a perdu son effet «mobilisateur» de jadis, il reste chargé en symboles.

Des dizaines d'élues et élus démocrates étaient vêtus de noir en l'honneur des victimes de harcèlement sexuel. Une vingtaine d'élus démocrates noirs portaient une écharpe, une cravate ou un noeud papillon de motif africain coloré Kenté, en soutien aux «pays de merde», expression qui aurait été employée par Donald Trump lors d'une réunion à la Maison-Blanche.

«Je tends la main»

Au-delà de la mise en avant de chiffres de croissance encourageants (2,3% en 2017 contre 1,5% en 2016), le président républicain, chantre de la dérégulation, a mis en exergue les bons chiffres de l'emploi. «Pendant des années, les entreprises et les emplois nous quittaient. Aujourd'hui, ils reviennent», a-t-il martelé.

L'exubérant président a aussi appelé démocrates et républicains à travailler main dans la main, pour financer «les infrastructures sûres, rapides, fiables  et modernes dont l'économie a besoin et que le peuple mérite». Et appelé de ses voeux un grand plan d'investissement de 1500 milliards de dollars.

L'immigration figurait en bonne place dans ce discours auquel assistaient un nombre record de «Dreamers», ces «rêveurs» entrés illégalement sur sol américain avec leurs parents lorsqu'ils étaient encore mineurs.

«Ce soir, je tends la main aux élus des deux partis, démocrates comme républicains, pour protéger nos citoyens, quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau ou leur religion», a déclaré le président américain, avant de fustiger «les frontières ouvertes» qui ont coûté de «nombreuses vies innocentes».

Mais les débats s'annoncent âpres. L'administration Trump a évoqué une voie d'accès à la citoyenneté pour 1,8 million de sans-papiers si ses adversaires acceptent de débloquer 25 milliards de dollars pour la plus emblématique de ses promesses de campagne: la construction d'un mur à la frontière du Mexique.

Sur le front international, il a appelé à poursuivre avec détermination la lutte contre le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie. «Il reste beaucoup à faire. Nous allons poursuivre notre combat jusqu'à ce que l'EI soit défait», a-t-il affirmé.

Le dirigeant américain a par ailleurs signé un décret visant à laisser ouverte la prison de Guantanamo, créée par George W. Bush dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 et que Barack Obama souhaitait fermer.

Pour assurer la «puissance» de Washington, il a exhorté le Congrès à voter les crédits nécessaires pour «moderniser et reconstruire» l'arsenal nucléaire américain afin de «le rendre si fort et si puissant qu'il dissuadera toute agression».

Dans un discours dans lequel il a à peine effleuré ses objectifs diplomatiques, M. Trump a par ailleurs mis en garde contre «la complaisance et les concessions» à l'égard de la Corée du Nord.

Ne pas répéter «les erreurs des précédentes administrations»



Donald Trump a mis en garde lors de son discours contre «la complaisance et les concessions» face à la menace nucléaire nord-coréenne, promettant de ne pas répéter «les erreurs des précédentes administrations».

«Aucun régime n'a opprimé ses propres citoyens» aussi «brutalement que la dictature cruelle de Corée du Nord», a déclaré le président des États-Unis devant le Congrès lors du discours annuel sur l'état de l'Union.

«La dangereuse quête de missiles nucléaires par la Corée du Nord pourrait très prochainement menacer notre territoire. Nous menons une campagne de pression maximale pour éviter que cela arrive», a-t-il lancé.

«Il nous suffit de regarder le caractère vicieux du régime nord-coréen pour comprendre la nature de la menace nucléaire qu'il peut représenter pour l'Amérique et ses alliés.»

Donald Trump a fait des ambitions nucléaires du régime de Kim Jong-Un le défi international numéro un de son administration, et a soufflé depuis un an le chaud et le froid, menaçant de «détruire totalement» la Corée du Nord en cas d'attaque mais se disant aussi, par moments, prêt au dialogue.

Selon le Washington Post, celui qui était pressenti depuis des mois pour devenir ambassadeur des États-Unis en Corée du Sud, l'universitaire et diplomate Victor Cha, ne sera finalement pas nommé par Donald Trump.

La raison de ce revirement: il a critiqué en privé, rapportent des sources proches du dossier citées par le quotidien, la stratégie nord-coréenne de l'administration Trump, et notamment la possibilité envisagée de mener une frappe préventive ciblée contre le pays reclus tout en espérant éviter un conflit plus vaste.

De nombreux observateurs en ont conclu que cette option militaire est bien sérieusement envisagée à Washington, et ont mis en garde sur Twitter contre les risques d'une telle stratégie qui pourrait dégénérer selon eux en guerre nucléaire.

Le retour de Melania Trump

Vêtue d'un tailleur pantalon blanc, Melania Trump a fait son retour en pleine lumière après avoir fait l'impasse sur Davos et sur fond d'interrogations sur de possibles tensions au sein du couple présidentiel. Rompant avec la tradition, elle s'est rendue seule au Capitole, avant son mari.

C'est un jeune Congressman au nom chargé d'histoire, Joseph Kennedy III, 37 ans, petit-neveu de l'ancien président John F. Kennedy, qui s'est chargé de donner la réplique au discours présidentiel au nom des démocrates.

Rejetant l'idée selon laquelle les tensions de l'année écoulée résultaient du jeu politique traditionnel, il a dénoncé avec force une administration «qui ne s'attaque pas seulement aux lois qui nous protègent, mais aussi à l'idée même que nous sommes tous dignes de protection».

À ceux qui prédisent un «tournant» ou un «nouveau chapitre» de la présidence Trump, nombre d'observateurs rappellent que si, il y a un an, son premier discours devant le Congrès avait été salué pour sa tonalité «présidentielle», la rupture avait été éphémère.

Quelques jours plus tard, le milliardaire accusait dans une salve de tweets --sans la moindre preuve à l'appui-- son prédécesseur Barack Obama de l'avoir placé sur écoutes.