Des milliers de militants contre le droit à l'avortement se sont rassemblés vendredi à Washington pour leur « Marche pour la vie » annuelle, galvanisés par Donald Trump qui est intervenu par lien vidéo, une grande première.

Quelques centaines de mètres seulement séparaient M. Trump des manifestants réunis sur l'esplanade du National Mall lorsqu'il a pris la parole depuis la roseraie de la Maison-Blanche.

« Je suis honoré et très fier d'être le premier président à être ici avec vous, à la Maison-Blanche, pour m'adresser à la "Marche pour la vie" », a-t-il déclaré par écran géant interposé, provoquant des applaudissements nourris dans cet électorat conservateur crucial.

Dénonçant avoir aux États-Unis « l'une des lois sur l'avortement les plus permissives du monde », Donald Trump a ensuite affirmé qu'ils figuraient parmi « les seuls sept pays à autoriser les avortements en fin de terme, avec la Chine, la Corée du Nord et d'autres ».

Puis, alors qu'il répétait un mythe maintes fois démonté, notamment lorsqu'il l'avait utilisé pendant la campagne, sa langue a fourché, prononçant « born » [né] et non [torn] (arraché) : « En ce moment, dans plusieurs États, les lois autorisent qu'un bébé soit né du ventre de sa mère au neuvième mois. Il faut que cela change. »

PHOTO TASOS KATOPODIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Chaque année depuis 1974, les militants anti-avortement marchent aux alentours du 22 janvier du National Mall jusqu'à la Cour suprême

« Défenseur de la vie »

« Choisissez la vie », « Respectez les femmes, respectez la vie », pouvait-on lire sur les pancartes brandies dans la foule colorée de manifestants, rassemblant familles, élèves et religieux.

« J'apprécie vraiment qu'il prenne le temps de nous parler, c'est vraiment important », confiait Sandy Burton, venue d'Indianapolis à près de 800 kilomètres de Washington. « Nous rêvons de voir l'avortement devenir une solution impensable », a poursuivi la jeune femme.

« Ce président est un défenseur infatigable de la vie et de la conscience aux États-Unis », avait déclaré peu avant son vice-président ultraconservateur Mike Pence. L'an dernier, il était devenu le premier vice-président américain à assister à la « March for Life », ce grand défilé annuel des militants « pro-life », expression revendiquée par les opposants au droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Donald Trump, plusieurs fois divorcé et qui par le passé s'est dit en faveur du droit à l'avortement, n'est pas un leader évident pour les opposants à l'IVG. Mais ceux-ci sont bien conscients d'avoir marqué des points grâce à lui ces 12 derniers mois.

Le discours vidéodiffusé de M. Trump était le premier d'un président en exercice. De précédents présidents républicains, comme Ronald Reagan et George W. Bush, se sont adressés aux marcheurs par téléphone.

La « Marche pour la vie » marque un anniversaire considéré comme funeste par ses participants : « Roe v. Wade », l'arrêt emblématique de la Cour suprême qui a légalisé l'avortement le 22 janvier 1973 dans tous les États-Unis.

Plus de 40 ans de lutte

Chaque année depuis 1974, les militants anti-avortement marchent donc aux alentours de cette date du National Mall jusqu'à la Cour suprême, dont ils espèrent un revirement historique sur « Roe v. Wade ».

Ils savent que si Donald Trump se retrouvait en position de nommer à la haute cour un deuxième juge conservateur au cours de son mandat, ce rêve pourrait devenir réalité.

En attendant, avec une Maison-Blanche, des dizaines d'États et un Congrès contrôlés par les opposants à l'avortement, leur cause progresse à coups de petites victoires.

Le gouvernement américain a ainsi annoncé jeudi créer une nouvelle division ministérielle consacrée aux libertés de conscience et religieuse, qui soutiendra les médecins, infirmières et autres personnels médicaux refusant d'accomplir certains soins qu'ils estiment contraires à leurs convictions.

Cette division offrira notamment un appui aux professionnels de santé qui ne veulent pas être associés aux avortements ni s'occuper de personnes transgenres.

Cette initiative inquiète des associations, qui redoutent une discrimination dans l'accès aux traitements médicaux dont pourraient souffrir certaines catégories de la population.

« Personne ne devrait se voir refuser des soins, y compris un avortement sûr et légal », a réagi l'organisation de planification familiale Planned Parenthood.

« Le gouvernement met les bouchées doubles pour légaliser la discrimination à l'encontre des femmes et des LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et trans), au nom de la religion », a pour sa part dénoncé Louise Melling, une responsable juridique de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).