Le président américain Donald Trump était en position difficile mercredi après la gifle électorale de l'Alabama qui réduit encore sa marge de manoeuvre au Congrès et donne des idées - et des espoirs - au camp démocrate.

La victoire surprise du démocrate Doug Jones dans cet État conservateur du sud des États-Unis où les républicains n'avaient plus perdu depuis un quart de siècle est dure à avaler pour l'occupant de la Maison-Blanche qui était monté en première ligne pour son adversaire, l'ex-magistrat Roy Moore.

Après une première réaction plutôt magnanime mardi soir dans laquelle il avait félicité Doug Jones -«une victoire est une victoire» -, l'ancien homme d'affaires de New York a retrouvé un ton plus bagarreur mercredi à l'aube.

«J'avais raison!», a-t-il lancé sur Twitter dans une formule pour le moins audacieuse au lendemain de ce revers très personnel dans un État qu'il avait emporté haut la main lors de la présidentielle, il y a peine plus d'un an.

L'explication avancée par Donald Trump? Il avait soutenu, lors de la primaire républicaine, l'opposant de Roy Moore.

Une autre lecture s'imposait cependant à Washington: le milliardaire, qui vante régulièrement son sens politique, aura en l'espace de quelques mois misé deux fois sur le mauvais cheval.

Le président américain avait en effet choisi d'aller à contre-courant de la plupart des ténors républicains qui avaient retiré leur soutien à Roy Moore après des accusations d'agression sexuelle sur mineures.

Ironie amère: la journée de mercredi devait être consacrée à une forme de célébration à la Maison-Blanche, celle de la seule victoire législative annoncée de la nouvelle administration: la réforme fiscale. Le discours de M. Trump sur ce thème, prévu en milieu d'après-midi, pourrait bien passer largement inaperçu.

Sénat démocrate?

Cette victoire inimaginable il y a encore quelques semaines offre par ailleurs des perspectives aux démocrates, longtemps groggy par la défaite surprise de Hillary Clinton lors d'une présidentielle où elle faisait figure d'archifavorite.

À l'approche des élections de mi-mandat, dans un peu moins d'un an, ils ont besoin de victoires, mais aussi de symboles. C'est précisément ce que leur a offert le scrutin de l'Alabama, qui fait suite à un carton plein en novembre lors d'une série d'élections partielles, en Virginie notamment.

«Ce que Doug a fait hier est exactement ce que nous pouvons faire à l'échelle nationale, aller dans tous les coins du pays, défendre nos valeurs, parler des sujets que les gens ont a coeur», s'est félicité le président du parti démocrate, Tom Perez sur CNN.

Avec l'arrivée de Doug Jones au Sénat, qui devrait intervenir début janvier, la majorité républicaine n'y sera plus que de 51 sièges sur 100, réduisant la marge de manoeuvre du président au quasi minimum.

Et le parti démocrate peut rêver de reconquérir en 2018 la Chambre des représentants, voire - même si l'équation s'annonce toujours compliquée - le Sénat.

Au sein du Grand Old Party, l'ambiance était morose au moment où débutait l'autopsie de la défaite (Doug Jones a obtenu 49,9% des voix, contre 48,4% pour Roy Moore).

Photo Jim Watson, AFP

Doug Jones

Photo Carlo Allegri, REUTERS

Roy Moore

Et les couteaux sont déjà tirés. Principale cible? Stephen Bannon, ancien conseiller de Trump.

L'élu républicain new-yorkais Peter King n'a pas mâché ses mots contre cet homme «qui a l'air d'un poivrot» et qui «n'a pas sa place sur la scène politique nationale».

La défaite de Roy Moore démontre par ailleurs que les électeurs américains sont sensibles aux scandales sexuels qui secouent la classe politique, même si le cas de l'ultra conservateur Roy Moore était particulier, car les accusations concernaient des mineures.

Mais le calendrier est délicat pour Donald Trump au moment où plusieurs femmes qui l'accusent de comportements sexuels déplacés donnent de nouveau de la voix. Ces témoignages, associés à sa virulente attaque sur Twitter contre une sénatrice démocrate, lui ont valu de vives critiques.

AP

Stephen Bannon lors d'un rallye pro-Moore, le 5 décembre dernier, à Fairhope, en Alabama.