L'étau se resserrait un peu plus mardi sur le ministre américain de la Justice, Jeff Sessions, après une nouvelle attaque du président Donald Trump, qui lui reproche de ne pas l'isoler des enquêtes sur l'affaire russe qui empoisonne son début de mandat.

Un nouveau tweet cinglant est venu s'ajouter tôt mardi matin à une série d'attaques en règle du président contre Jeff Sessions, qui avait pourtant été l'un de ses premiers et plus précieux alliés dans son improbable victoire électorale.

«Le ministre de la justice Jeff Sessions a adopté une posture TRÈS faible sur les crimes de Hillary (où sont les courriels et les serveurs du DNC - la direction nationale du parti démocrate, NDLR -) et ceux qui font fuiter des informations confidentielles!», a écrit le président sur Twitter tôt mardi matin.

Dès le 19 juillet, le président avait lancé l'assaut contre M. Sessions en lui retirant sa confiance dans une interview au New York Times au ton tout à fait extraordinaire à l'encontre de l'un des piliers de son administration.

Donald Trump reproche à M. Sessions de s'être récusé dans l'enquête menée d'abord par le FBI - et désormais par un procureur spécial - sur l'ingérence du Kremlin dans l'élection présidentielle et sur d'éventuelles complicités au sein de l'équipe de campagne de M. Trump.

La nouvelle porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Huckabee Sanders, a encore insisté sur «la frustration et la déception» du président dans l'émission Fox and Friends, répétant que «si le président veut prendre cette décision (de limoger son ministre), il la prendra».

Le ministre de la Justice avait omis de rapporter une rencontre avec l'ambassadeur russe à Washington, Sergueï Kisliak, plus tard révélée par la presse.

Le président dément avec véhémence toute collusion avec Moscou et dénonce sans relâche une «chasse aux sorcières sans précédent dans l'histoire» des États-Unis.

Mais en se mettant volontairement à l'écart, M. Sessions est devenu impuissant aux yeux du président à le protéger si le besoin devait s'en faire sentir.

«En se récusant, il a permis cette chasse aux sorcières, ce canular», a renchéri Kellyanne Conway, une conseillère du président sur Fox News.

L'ancien sénateur d'Alabama s'est en particulier mis dans l'impossibilité de limoger le procureur spécial nommé dans l'affaire russe, si le président le lui demandait. Ce dernier a déjà renvoyé le directeur du FBI, James Comey, à cause de son rôle dans l'enquête russe.

Outre l'enquête menée par Robert Mueller, le procureur spécial aux états de service impeccables, la chambre des Représentants et le Sénat mènent également l'enquête.

J'y suis, j'y reste

Alors que le tout-Washington avait conclu que le ministre n'avait d'autre choix que de démissionner face à une attaque en règle, M. Sessions a au contraire choisi de rester à son poste.

«Je prévois de continuer à le faire pour aussi longtemps que ce sera approprié», avait lancé le ministre devant la presse le 20 juillet, avant de s'échapper pour fuir les questions des journalistes.

Cette position semblait pourtant difficile à tenir mardi même si l'arrivée de M. Trump à la Maison-Blanche semble avoir bousculé tous les codes de la pratique politique.

Les interventions répétées et publiques du président dans cette affaire ont aussi mis à mal la question de l'indépendance du ministère, que les prédécesseurs de M. Trump depuis Richard Nixon se sont montrés soucieux de préserver, ne serait-ce qu'en apparence.

Lindsay Graham, un sénateur républicain, a rendu un hommage vibrant à son ancien collègue et jugé «totalement inappropriés» les appels du président à poursuivre un rival politique.

Selon le Washington Post, le président et ses conseillers cherchent activement un remplaçant à M. Sessions.

Le nom de Rudy Giuliani, l'ancien maire de New York et lui aussi fidèle soutien de M. Trump pendant la campagne, a été avancé par le site d'information Axios.

M. Giuliani avait déjà été pressenti pour occuper le poste mais il a affirmé lundi que M. Sessions «avait pris la bonne décision (en se récusant) au regard des règles du ministère de la Justice».

Le nom de Ted Cruz, un sénateur du Texas et ancien rival du président dans la primaire républicaine, a également été évoqué, selon le Washington Post.

Premier cercle

Lundi, le Congrès a commencé à interroger Jared Kushner, le gendre du président et premier membre de la garde rapprochée du président à devoir s'expliquer dans le cadre de cette affaire.

M. Kushner a nié en bloc la moindre connivence avec les Russes. «Tous mes actes ont été appropriés, dans le cadre normal d'une campagne sans équivalent», a-t-il affirmé. Il devrait répéter le même message mardi devant une commission de la Chambre des représentants qui enquête, elle aussi, sur cette affaire.

Jared Kushner n'est pas le seul à intéresser les élus. Le fils aîné du milliardaire, Donald Jr, et Paul Manafort, ancien chef de la campagne, sont également appelés à témoigner.

Mardi, la commission de la Justice du Sénat a assigné ce dernier à témoigner publiquement, pour s'expliquer sur ses liens avec la Russie.