Les irréductibles progressistes de Californie ont déterré la hache de guerre face à l'administration Trump pour défendre leur législation à l'avant-garde du combat écologique aux États-Unis et qu'ils estiment cruciale pour contrôler le fléau du brouillard de pollution (smog).

Le président américain Donald Trump a signé un décret mardi pour revenir sur le «Clean Power Plan», mesure phare de l'administration Obama pour lutter contre le réchauffement climatique, affirmant qu'il veut stimuler l'emploi dans le secteur énergétique et en particulier dans le charbon, l'énergie la plus polluante.

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Il a ordonné il y a quelques jours à l'agence de protection de l'Environnement (EPA) de réexaminer la législation fédérale sur les émissions de gaz à effet de serre, notamment dans l'automobile, inspirée des lois californiennes.

Les autorités du grand État de l'Ouest américain, le plus peuplé du pays et bastion démocrate, ont répliqué avec défiance, réaffirmant leur intention de pousser encore plus loin leurs limites d'émissions polluantes.

Le gouverneur Jerry Brown s'est insurgé dans une lettre au directeur de l'EPA Scott Pruitt contre «un cadeau inconscient du président Trump aux pollueurs» et a averti que la Californie ferait «tout pour préserver ses normes actuelles, protéger la santé de son peuple et la stabilité de son climat».

Il a aussi fustigé le lobby automobile, l'Alliance of Automobile Manufacturers, pour avoir porté plainte contre l'EPA afin de contester les normes édictées par l'administration Obama: «vous trahissez votre promesse au peuple américain».

Grave problème de smog

La Californie a mis des décennies à assainir un air vicié par son gigantesque parc automobile, en particulier dans la métropole de Los Angeles, où il reste le plus malsain de toutes les grandes villes américaines.

Le maire de Los Angeles Eric Garcetti a lui aussi déploré mardi le décret du président Trump.

«Quoi qu'il se passe à Washington, nous travaillerons pour (...) réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80% d'ici 2050 et nous diriger vers des transports à zéro émission», a-t-il insisté.

Les normes américaines de pollution de l'air sont fixées par le gouvernement fédéral, mais la Californie, vu son grave problème de smog, a obtenu dans le cadre de la loi de 1970 sur la propreté de l'Air (Clean Air Act) une dérogation pour adopter des critères plus stricts.

Même si l'industrie automobile a traîné des pieds tout du long, la Californie dispose à présent de près de la moitié des véhicules verts du pays, grâce à un mélange d'incitations et de réglementations contraignantes.

L'EPA a jusqu'à présent toujours octroyé sa dérogation à la Californie, parfois à l'issue d'un bras de fer comme à la fin de l'administration Bush. Une dizaine d'États ont imité ses normes ambitieuses avant que l'administration Obama les généralise au niveau fédéral.

Le gouvernement Trump veut revenir sur cette décision, mais reste à savoir comment. Il pourrait annuler la législation fédérale sans contester le droit de la Californie et celui des États qui l'ont imitée... Ou décréter qu'ils doivent se ranger à la loi de Washington, ce qui mènerait à une féroce bataille judiciaire.

«Une troisième option, celle que nous redoutons le plus, serait de révoquer le Clean Air Act», souligne Stanley Young, porte-parole du Conseil californien des ressources en air (Carb).

Infliger le plus de dégâts

Pour Cara Horowitz, professeur de droit environnemental à UCLA, l'issue d'un affrontement au tribunal est dure à prédire «mais la Californie a un long historique de réglementations agressives contre la pollution et de succès dans l'obtention de ses dérogations».

Outre les taux de maladies pulmonaires qui affectaient sa population à l'époque du smog, elle peut argumenter qu'elle est très vulnérable au changement climatique en raison d'un littoral long de 1350 kilomètres qui la rend «particulièrement exposée à la hausse du niveau de la mer» et à cause d'une «sécheresse extrême qui a occasionné des milliards de dollars de dégâts» ces cinq dernières années, poursuit Cara Horowitz.

Et le fait que Scott Pruitt, le nouveau patron de l'EPA, nie la réalité du changement climatique ?

«Cela ne change ni la science ni la loi», réplique Stanley Young, assurant que «la Cour Suprême américaine a pris une décision en 2007 affirmant que les gaz à effet de serre dont le Co2 sont des polluants qui peuvent légitimement être contrôlés dans le cadre du Clean Air Act».

M. Young ne minimise toutefois pas la bataille à venir, et le fait que Scott Pruitt soit «un avocat» qui a passé une partie de sa carrière de ministre de la Justice de l'Oklahoma à poursuivre l'EPA, et notamment à lutter contre le «Clean Power Plan» d'Obama: «Il sait exactement comment l'agence fonctionne et comment lui infliger le plus de dégâts possibles».