Après quatre semaines au pouvoir, Donald Trump a laissé éclater sa frustration.

Les murs de la prestigieuse East Room de la Maison Blanche ont tremblé jeudi sous le torrent de paroles du président septuagénaire qui s'en est pris tour à tour à la presse, à la justice ou encore aux démocrates accusés de saper ses efforts.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

Combatif mais visiblement blessé aussi, semblant parfois sur le point de perdre le contrôle, le magnat de l'immobilier a défendu ses débuts au pouvoir.

Pendant près d'une heure et demie d'une conférence de presse décousue et à la tonalité totalement inédite en ces lieux, il a, entre autres, évoqué le spectre d'un «holocauste nucléaire».

La nouvelle administration Trump fonctionne «comme une machine bien réglée», lance d'entrée le président républicain, contre toute évidence.

A tous égards, les premiers pas au sommet de l'État de ce novice en politique furent agités: des millions de personnes dans les rues au lendemain de son inauguration, un cinglant revers judiciaire sur son décret anti-immigration emblématique, la démission forcée de son principal conseiller diplomatique...

Assurant avoir hérité d'une situation «chaotique» il affirme, en énumérant les décrets signés dans le Bureau ovale, que jamais une présidence n'avait fait autant en si peu de temps.

«Les gens le savent, la plupart des médias, non. Ou plutôt, ils le savent, mais ils ne l'écrivent pas», ajoute-t-il, désignant le bouc émissaire du jour: la presse.

La charge, assénée sur tous les tons, est violente, colérique par moments.

L'objectif est clair. Parler à ceux qui l'ont porté au pouvoir, les prendre à témoin: «Je suis ici pour faire passer mon message directement au peuple (...) car nombre de journalistes de notre pays ne vous diront pas la vérité et ne traiteront pas les gens formidables de ce pays avec le respect qu'ils méritent».

«Vous êtes malhonnêtes» 

Evoquant «un niveau de malhonnêteté hors de contrôle», il reprend des expressions de campagne qui faisaient mouche devant ses partisans, stigmatise les élites des côtes Est et Ouest qui vivent dans une bulle et ne comprennent rien à la vraie Amérique.

«La plupart des médias, à Washington DC, mais aussi à New York et Los Angeles, ne parlent pas pour le peuple mais pour des intérêts particuliers et pour les profiteurs d'un système qui est cassé», dit-il, index dressé.

«Je vous dis simplement que vous êtes des gens malhonnêtes», tempête-t-il un peu plus tard. «Le public ne vous croit plus!».

«Asseyez-vous!», lance-t-il à l'attention d'un journaliste qui tente une relance après sa question. «Taisez-vous!», lâche-t-il à un autre.

Bombardé de questions sur les liens de son équipe avec la Russie de Vladimir Poutine, et d'éventuels contacts durant la campagne avec les services secrets russes, Donald Trump s'emporte: «Je n'ai rien à voir avec la Russie!»

«Les fuites sont réelles, les informations sont fausses», ajoute-t-il à propos de l'avalanche de révélations qui dressent chaque jour un tableau un peu plus troublant de ses relations avec le maître du Kremlin.

Un journaliste s'étonne, dans un indescriptible brouhaha, de cette étrange formule. Si les fuites sont bien réelles et portent sur des faits avérés, comment les informations peuvent-elles être fausses ?

C'est le «ton», répond, agressif, le président américain, qui dénonce «la haine» dont il fait objet, tout un épargnant, comme à chaque fois, un seul média: Fox News, la chaîne de télévision favorite des conservateurs américains.

Parfois, le président de la première puissance mondiale prend des libertés avec la réalité historique.

Il affirme, en introduction, avoir remporté la plus grande victoire en nombre de voix du collège électoral depuis Ronald Reagan ? Un journaliste lui fait remarquer que c'est faux. «C'est ce qu'on m'avait dit», balbutie-t-il en regardant ses notes avant de passer à une autre question. 

Pas une mauvaise personne 

«J'ai gagné, j'ai gagné», martèle-t-il un peu plus tard, comme pour exprimer sa frustration face aux critiques, avant de s'attarder longuement sur des polémiques liées à l'un de ses débats face à Hillary Clinton.

«Vous savez, je ne suis pas une mauvaise personne», glisse-t-il entre deux flèches décochées contre les membres de l'administration Obama qui disséminent de «fausses informations».

«Ce n'est pas Donald Trump qui a divisé le pays», lance-t-il. «Nous vivions déjà dans un pays divisé».

Même s'il répète à l'envi que les sondages ne sont pas des indicateurs fiables, Donald Trump, très sensible à son image comme tous ses prédécesseurs, garde un oeil sur ces derniers. Et les chiffres du début de sa présidence sont mauvais, très mauvais.

Selon une enquête du Pew Research Center publiée jeudi, sa popularité après un mois au pouvoir est nettement plus basse que celle des cinq hommes qui ont occupé le Bureau ovale avant lui, qu'ils soient démocrates ou républicains.

Au total, 39% seulement des Américains interrogés approuvent son action à la tête de l'État (56% désapprouvent).

Samedi, le président républicain participera à un grand rassemblement à Orlando, en Floride, durant lequel il devrait, pour quelques heures, retrouver l'ambiance d'une campagne où, des primaires républicaines à son duel face à Hillary Clinton, rien ne lui aura résisté.

Un rendez-vous presque nostalgique qui vient renforcer le sentiment que si l'exubérant homme d'affaires a aimé la conquête du pouvoir, il a du mal à trouver un rythme, et un ton, dans l'exercice de celui-ci.