Le policier américain qui avait abattu un Noir, devant sa compagne et une fillette à bord de leur voiture en juillet, dans une séquence filmée en direct qui avait choqué les États-Unis, a été inculpé d'homicide involontaire, a annoncé mercredi le procureur local.

Le policier d'origine hispanique, Jeronimo Yanez, a également été accusé d'avoir tiré intentionnellement sur Philando Castile, tué à 32 ans dans le Minnesota après avoir été sommé de s'arrêter pour un phare cassé.

L'agent est aussi accusé d'avoir mis en danger la compagne de la victime, Diamond Reynolds, ainsi que la fille de quatre ans de cette dernière, qui était assise sur la banquette arrière lors du drame survenu près de la ville de Saint Paul.

C'est Diamond Reynolds qui avait filmé les faits depuis le siège passager, retransmettant la vidéo en direct sur Facebook Live. On y voyait Philando Castile agonisant, le T-Shirt blanc maculé de sang, sur le siège conducteur de la voiture tandis qu'un policier le tenait en joue. La fillette tentait d'une voix timide de rassurer sa mère.

Ses derniers mots, révélés par les autorités mercredi, ont été «je n'essayais pas de l'attraper», en parlant de l'arme à feu qu'il portait légalement, ce dont il avait prévenu le policier.

Lorsque Jeronimo Yanez s'est approché du véhicule après l'avoir arrêté pour un contrôle, M. Castile lui a dit «calmement et d'une façon non menaçante: «Monsieur, je dois vous dire que je porte une arme à feu sur moi»», a affirmé le procureur du comté de Ramsey, John Choi, lors d'une conférence de presse.

Le policier a alors demandé à Castile de ne pas sortir l'arme, et ce dernier a indiqué qu'il ne le faisait pas, a poursuivi le procureur, se basant sur la vidéo sonore enregistrée par la caméra que portait l'agent. Quelques instants plus tard, le policier a tiré à sept reprises sur le jeune homme qui portait toujours sa ceinture de sécurité.

Diamond Reynolds a expliqué que le policier avait tiré sur son conjoint, employé d'une cantine scolaire, alors qu'il cherchait ses papiers d'identité.

Pendant l'enquête, le policier a affirmé que Castile avait fait ce geste d'une façon qui ne lui permettait pas de voir sa main droite, ce qui lui avait fait craindre pour sa sécurité et pour celle de l'agent qui l'accompagnait, selon les autorités.

«Après avoir analysé en détails les faits dans ce dossier, j'en conclus que l'emploi d'une arme létale par l'agent Yanez n'était pas justifié», a déclaré le procureur.

«La peur non rationnelle ne peut pas justifier l'emploi de la force létale. L'usage de la force létale doit être objectivement raisonné et nécessaire compte tenu de l'ensemble des circonstances», a-t-il souligné.

La famille de Philando Castile s'est réjouie des conclusions du procureur, y compris celle de ne pas poursuivre Jeronimo Yanez pour homicide volontaire, ce qui lui aurait fait risquer une peine plus lourde que les dix ans maximum d'incarcération encourus pour homicide involontaire.

«Le pire qui pourrait arriver, c'est que les chefs d'accusation soient trop lourds et que l'agent soit finalement jugé non responsable de ces chefs», a dit Glenda Hatchett, ancienne magistrate et avocate de la famille.

«Avec cette affaire, nous voulons dire haut et fort que les choses doivent changer dans ce pays», a-t-elle ajouté, précisant que la famille comptait également engager des poursuites au civil.

Dans plusieurs autres affaires similaires, la justice n'a finalement pas condamné les agents mis en cause. Les six policiers de Baltimore inculpés pour la mort en 2015 de Freddie Gray ont ainsi plus tard été dédouanés.

M. Yanez doit comparaître vendredi devant un tribunal.

Survenue peu après celle d'un autre Noir abattu par des policiers, la mort de Philando Castile avait relancé la question des brutalités policières aux États-Unis et provoqué des manifestations dans tout le pays.

C'est au cours de l'une d'elles à Dallas, au Texas, qu'un tireur isolé voulant venger la mort des Noirs abattus par les forces de l'ordre avait tué cinq policiers le 7 juillet.

AP

Jeronimo Yanez