Avec ses 3 millions d'habitants, dont plus de 90 % sont des Blancs, l'Iowa est l'un des États les moins populeux et représentatifs des États-Unis. Et pourtant, l'attention du monde se tournera lundi vers une partie restreinte de ses électeurs démocrates et républicains. Quelle importance auront leurs choix ? Quels candidats sauront tirer profit de la colère ambiante ?

LE RÔLE DE L'IOWA

Un concours de circonstances a permis à l'Iowa d'avoir le premier mot dans le choix des candidats présidentiels depuis 1972. Et David Yepsen, ex-chroniqueur politique du Des Moines Register, défend ce rôle qui fait des envieux aux États-Unis.

« Historiquement, les caucus d'Iowa ont servi deux objectifs importants, dit-il. Ils peuvent sortir un candidat de l'obscurité, le meilleur exemple étant Jimmy Carter en 1976. Et ils réduisent le nombre de candidats. Si vous ne finissez pas parmi les trois premiers, les dons à votre campagne se tarissent, vos supporteurs vont ailleurs. »

En 2016, les caucus d'Iowa pourraient être dominés par deux candidats - le républicain Donald Trump et le démocrate Bernie Sanders - dont l'attrait a été sous-estimé par plusieurs observateurs aguerris.

« La force de ces candidatures de protestation est vraiment étonnante », dit Yepsen, qui attribue le succès de Trump et Sanders à la « colère puissante » qui anime une partie importante de l'électorat.

« Chez les démocrates, cette colère porte sur les inégalités de revenus, le rétrécissement de la classe moyenne et Barack Obama, qui n'a pas été aussi progressiste que certains le souhaitaient. Chez les républicains, l'immigration est la grande question qui propulse la candidature de Trump », dit Yepsen en soulignant que Trump et Sanders pourraient non seulement triompher en Iowa mais également au New Hampshire, où des primaires auront lieu le 9 février.

LA SURPRISE DÉMOCRATE

Après avoir suivi tous les caucus d'Iowa depuis 1972, Steffen Schmidt pensait avoir assisté à tous les scénarios possibles. Mais la campagne présidentielle de 2016 lui réservait plusieurs surprises, dont la dégringolade d'Hillary Clinton dans les sondages.

« Je n'ai jamais vu un candidat favori perdre son statut de meneur de façon aussi précipitée qu'Hillary Clinton », dit le politologue à l'Université d'État de l'Iowa.

De fait, après avoir été créditée d'une avance de 18 points dans le dernier sondage réalisé en décembre auprès des démocrates de l'Iowa, l'ancienne secrétaire d'État est désormais à égalité avec le sénateur du Vermont Bernie Sanders. Celui-ci est particulièrement populaire auprès des jeunes.

Mais ces mêmes jeunes se déplaceront-ils pour participer à leurs premiers caucus ?

« Sanders fait face à un double défi », dit Donna Hoffman, politologue à l'Université du Nord de l'Iowa. « Il doit non seulement convaincre des gens qui n'ont jamais participé à des caucus de le faire, mais également mobiliser les 18-25 ans, dont le taux de participation est toujours inférieur à celui de leurs aînés. »

Quoi qu'il en soit, Clinton pourrait survivre à une défaite en Iowa, selon la politologue. « Il est important de dire que Sanders n'est pas Obama. En 2008, Obama avait un plan après les quatre premiers États. Sanders est un peu en retard à ce chapitre », dit-elle.

LA QUESTION RÉPUBLICAINE

Donald Trump le répète jusqu'à plus soif : il est un gagnant. Un gagnant célèbre pour son mépris pour les « losers » (perdants). Mais qu'adviendra-t-il de lui s'il ne gagne pas les caucus d'Iowa ?

« Du côté républicain, c'est la question la plus intéressante », dit Steffen Schmidt, politologue à l'Université d'État de l'Iowa. « Une victoire en Iowa pourrait donner à Trump un élan irrésistible. Une défaite, en revanche, pourrait dégonfler le personnage et ternir son aura de gagnant. »

Le principal rival de Trump, le sénateur du Texas Ted Cruz, a en commun avec le candidat milliardaire de faire peur aux bonzes du Parti républicain. Mais là s'arrêtent les comparaisons entre les deux hommes et la façon dont ils ont fait campagne en Iowa.

« Trump a mené une campagne peu orthodoxe », dit Donna Hoffman, politologue à l'Université du Nord de l'Iowa. « Il a misé sur sa célébrité et les grands rassemblements, alors que Cruz a suivi le modèle traditionnel : des petits rassemblements, où il pouvait serrer des mains et parler aux gens. »

La lutte pour la troisième place chez les républicains ne peut être ignorée, compte tenu de l'histoire des caucus. Le sénateur de Floride Marco Rubio pourrait en hériter. Ces jours-ci, tout comme Ted Cruz, il fait une cour assidue à l'électorat évangélique, crucial en Iowa chez les républicains.

Photo Andrew Harnik, Associated Press

À l’approche du caucus d’Iowa, Hillary Clinton est désormais à égalité dans les sondages avec le sénateur du Vermont Bernie Sanders.

Photo Andrew Harnik, Associated Press

Donald Trump, aspirant candidat républicain, exhibe un anneau qui lui a été donné par un groupe de vétérans durant un événement sur le campus de l'Université Drake, jeudi, à Des Moines.

NOMBRE DE DÉLÉGUÉS EN JEU EN IOWA

30 chez les républicains 

(sur les 2472 délégués qui seront en jeu au cours des primaires et caucus du Parti républicain)

52 chez les démocrates 

(sur les 3635 qui seront en jeu au cours des primaires et caucus du Parti démocrate)

LES GAGNANTS DE L'IOWA

Démocrates

2012 : Barack Obama*

2008 : Barack Obama*

2004 : John Kerry*

2000 : Al Gore*

1996 : Bill Clinton*

Républicains

2012 : Rick Santorum 

2008 : Mike Huckabee 

2004 : George W. Bush* 

2000 : George W. Bush* 

1996 : Bob Dole*

* Candidats qui ont remporté l'investiture de leur parti au terme des primaires