Pour l'élection présidentielle américaine de 2016, le chef d'entreprise Frank VanderSloot a fait passer des entretiens. Au moins cinq candidats aux primaires républicaines se sont déplacés jusque dans l'Idaho, État perdu du Nord-Ouest, pour gagner les faveurs du milliardaire.

Le vainqueur de cette primaire invisible s'appelle Marco Rubio, le télégénique sénateur quadragénaire de Floride aux origines cubaines, à qui Frank VanderSloot, PDG de la société de produits de nutrition et de soins Melaleuca, a officiellement apporté un soutien qui devrait se concrétiser par de gros chèques.

«Mon téléphone n'arrêtait pas de sonner, beaucoup de gens nous appelaient pour savoir qui on allait soutenir», dit-il dans un entretien téléphonique avec l'AFP. «C'était souvent les entourages des candidats qui appelaient, mais parfois les candidats eux-mêmes...»

Frank VanderSloot, 67 ans, est l'un de ces méga-donateurs sur lesquels le Parti républicain compte pour des élections qui engloutiront plusieurs milliards de dollars.

Donateurs et candidats trouvent le système de financement électoral indécent et détestable, mais aucun ne veut être le premier à désarmer. Pour Frank VanderSloot, le jeu est équitable : rien n'empêche la gauche d'y participer; les syndicats aident d'ailleurs grassement les candidats démocrates.

Mais le camp conservateur est mieux financé, grâce aux dons à six ou sept chiffres de riches contributeurs. Frank VanderSloot lui-même avait donné 1,1 million de dollars en 2012 pour soutenir Mitt Romney, le candidat républicain à la présidentielle, par le biais d'un nouveau type de comité politique capable de recevoir des dons sans plafonds.

«Je suis très favorable à ce que les dons ne soient pas anonymes», nuance-t-il. «Que les gens disent tout haut ce qu'ils pensent».

Il fait allusion à une structure juridique, opaque et controversée, qui permet à des organisations de conserver la liste de leurs donateurs secrète.

«Le processus n'est pas parfait, mais c'est comme ça. Et ce serait une erreur de ne pas s'impliquer».

Défendre la libre entreprise

Dans sa vie, le patron, sa femme et Melaleuca ont donné au moins 2,4 millions de dollars au Parti républicain et à des dizaines de candidats à la Maison-Blanche ou au Congrès, selon des déclarations officielles compilées par le Center for Responsive Politics.

Pour 2016, il élude d'un rire quand on lui demande son budget : «Nous n'avons pas fixé de montant total». Le chiffre restera secret jusqu'à la déclaration des comptes de campagne.

«Je ne cherche pas à obtenir de faveurs personnelles», explique M. VanderSloot. Si ses dons sont intéressés, ce ne serait qu'indirectement : il assure vouloir aider les candidats voulant préserver le modèle capitaliste qui a permis à l'Amérique de prospérer, en faisant sa fortune.

Comme nombre de grands patrons, il aime évoquer ses origines modestes. Son père était ouvrier des chemins de fer. Selon lui, ce n'est que grâce aux études et au système de libre entreprise que sa carrière a pu décoller.

«En vieillissant, et en devant plus sage, je ne tiens plus tout ça pour acquis, je sais que nous pourrions le perdre», s'alarme-t-il.

Reste qu'il côtoie des hommes qui pourraient demain diriger la première puissance mondiale. Il les fait voyager dans son jet privé et les rencontre individuellement, au fil de leurs déplacements.

Marco Rubio, il l'a accueilli au moins quatre fois à sa descente d'avions. Ce sont ces face-à-face privilégiés qui l'ont convaincu que le sénateur de 44 ans était le meilleur espoir républicain pour succéder au président sortant, le démocrate Barack Obama - même si M. Rubio reste aujourd'hui en troisième place des sondages des primaires.

Frank VanderSloot raconte avoir vu le candidat serrer d'abord la main d'un bagagiste ou d'une employée d'aéroport, avant de venir saluer la file de grands donateurs venus l'accueillir en rang d'oignon. «Je n'ai jamais vu de candidat avoir des interactions individuelles pareilles avec des gens ordinaires».

Son choix est exclusif et il va désormais aider Marco Rubio à lever des fonds. Il s'attend donc forcément à recevoir moins d'appels des autres candidats : «Ça va sûrement se calmer».