Le pape François a exhorté jeudi les élus américains à mettre la finance, l'économie et la technologie au service de la maîtrise des défis des guerres, du changement climatique et des inégalités, mettant aussi en garde contre le danger du «fondamentalisme».

Saluant le Congrès comme «la maison des hommes courageux», le pape s'est référé à des Américains illustres, d'Abraham Lincoln à Martin Luther King. «L'Amérique continue d'être, pour beaucoup, un pays de rêves».

Sous des applaudissements nourris, il a condamné «le fondamentalisme, religieux ou non, et mis en garde contre «le réductionnisme simpliste qui voit seulement le bien ou le mal, ou les justes et les pécheurs».

«Le monde contemporain, avec ses blessures ouvertes, exige que nous affrontions toute forme de polarisation», a-t-il dit.

Au-dehors, des dizaines de milliers de personnes ont pu regarder le discours du pape retransmis sur de grands écrans. Il s'agissait du premier discours d'un pape devant le Congrès américain.

Il a appelé à «éliminer les nouvelles formes d'esclavage» et répondre à «une crise de réfugiés d'une ampleur inconnue depuis la Seconde Guerre mondiale».

«Sur ce continent aussi, des milliers de personnes sont portées à voyager vers le nord à la recherche d'une vie meilleure. Nous ne devons pas reculer devant leur nombre», mais «répondre d'une manière toujours humaine, juste et fraternelle» à leur situation, a-t-il plaidé.

Il a par ailleurs reconnu que «tragiquement, les droits de ceux qui étaient ici longtemps (les Indiens) avant nous n'ont pas été toujours respectés». À ces peuples, «je souhaite réaffirmer ma plus haute estime».

Le pape a encore demandé «l'abolition totale de la peine de mort» dans un pays où les exécutions sont encore pratiquées dans nombre d'États. «La société ne peut que bénéficier de la réhabilitation de ceux qui sont reconnus coupables de crimes».

Évoquant «les peuples enlisés dans le cycle de la pauvreté», le pape a appelé le Congrès à promouvoir «la juste utilisation des ressources naturelles».

Il a invité à «limiter», «orienter», «mettre la technologie «au service d'un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral».

«Le bien commun inclut la terre», a-t-il affirmé assurant que les États-Unis et le Congrès à majorité républicaine avaient «un rôle important à jouer» pour lutter contre le changement climatique. «C'est le moment d'actions et de stratégies courageuses», a-t-il invité fermement.

François a évoqué la résolution de crises internationales, sans mentionner Cuba ou l'Iran nommément: «Lorsque des pays qui avaient été en désaccord reprennent le chemin du dialogue -un dialogue qui aurait pu avoir été interrompu pour des raisons les plus légitimes-, de nouvelles opportunités s'offrent pour tous».

Le pape François a plaidé enfin pour la famille traditionnelle, «si importante dans la construction» de l'Amérique: «elle est menacée, peut-être comme jamais auparavant, de l'intérieur comme de l'extérieur».

Le pape s'adresse aux sans-abris

«Je veux être avec vous, j'ai besoin de votre soutien, de votre proximité»: c'est le message que le pape François a adressé jeudi à quelque 200 sans-abris dans une église de Washington.

À peine sorti du Congrès américain où était réunie toute l'élite politique du pays, le pape s'est rendu au centre caritatif de Saint-Patrick, une paroisse de la capitale fédérale américaine.

Parlant lentement en espagnol, le pape semblait peser ses mots: «Nous ne pouvons trouver aucune justification morale, aucune justification quelle qu'elle soit, au manque de logement. Mais Dieu ne nous abandonne pas», a-t-il assuré.

Il a confié qu'il pensait «à quelqu'un qu'il aime, quelqu'un qui est très important dans ma vie: c'est celui que je vais voir quand ça ne va pas. Vous me rappelez Saint-Joseph, vos visages me le rappellent», a-t-il insisté, en soulignant que Joseph, selon l'Évangile, n'avait pas de toit à offrir à sa femme, Marie, quand Jésus est né à Bethléem, lors de la fuite de la Sainte Famille en Égypte.

«Aujourd'hui, je veux être avec vous, j'ai besoin de votre proximité, de votre soutien», a-t-il ajouté.

Le pape a cherché à réconforter ces personnes sans domicile: «Jésus continue de frapper à nos portes, les portes de nos vies. Il ne le fait pas grâce à des effets magiques, des flashes lumineux ou des feux d'artifice. Il frappe à nos portes à travers les visages de frères et soeurs, de nos voisins, de ceux qui sont à côté de nous».

François a invité la petite assemblée présente à prier le «Notre Père» avec lui: «Je vais commencer en espagnol et vous continuerez en anglais».

Le pape a choisi, pendant sa visite aux États-Unis, d'alterner les rencontres très officielles avec celles avec les catégories défavorisées de la société. Il devait se rendre dans l'après-midi à New York.

LE PAPE A DIT:

- Fondamentalisme religieux

«Nous savons qu'aucune religion n'est exempte de formes d'illusion individuelle ou d'extrémisme idéologique. Cela signifie que nous devons faire spécialement attention à tout type de fondamentalisme, qu'il soit religieux ou de n'importe quel autre genre».

- Le rêve de Martin Luther King Jr.

«Je pense aussi à la marche que Martin Luther King a conduit de Selma à Montgomery, il y a 50 ans, dans le cadre de la campagne pour réaliser son rêve de pleins droits civils et politiques pour les Afro-Américains. Ce rêve continue de nous inspirer tous».

- Les réfugiés

«Notre monde est confronté à une crise de réfugiés d'une ampleur inconnue depuis la Seconde Guerre mondiale (...) Nous ne devons pas reculer devant leur nombre, mais plutôt les voir comme des personnes, en les regardant en face et en écoutant leurs histoires, en essayant de répondre le mieux possible à leur situation, de répondre d'une manière toujours humaine, juste et fraternelle».

- La peine de mort

«Cette conviction m'a conduit, depuis le début de mon ministère, à défendre, à différents niveaux, la cause de l'abolition totale de la peine de mort. Je suis convaincu que ce chemin est le meilleur, puisque chaque vie est sacrée, chaque personne humaine est dotée d'une dignité inaliénable, et la société ne peut que bénéficier de la réhabilitation de ceux qui sont reconnus coupables de crimes».

- Agir sur le climat

«La juste utilisation des ressources naturelles, la convenable application de la technologie et l'exploitation de l'esprit d'entreprise sont des éléments essentiels d'une économie qui vise à être moderne, inclusive et durable (...) Dans (l'encyclique) Laudato si', j'ai invité à un effort courageux et responsable pour repréciser le cap, et pour inverser les effets les plus graves de la détérioration environnementale causée par l'activité humaine».

- Ouverture américaine vers Cuba et l'Iran, pas nommés directement

«Dans cette perspective de dialogue, je voudrais reconnaître les efforts réalisés au cours des derniers mois pour aider à surmonter les différences historiques liées à de déplorables épisodes du passé (...) Lorsque des pays qui avaient été en désaccord reprennent le chemin du dialogue, un dialogue qui aurait pu avoir été interrompu pour des raisons les plus légitimes, de nouvelles opportunités s'offrent pour tous».

- La famille menacée

«Cependant, je ne peux cacher ma préoccupation pour la famille, qui est menacée, peut-être comme jamais auparavant, de l'intérieur comme de l'extérieur. Les relations fondamentales sont en train d'être remises en cause, comme l'est la base même du mariage et de la famille. Je peux seulement rappeler l'importance et, par-dessus tout, la richesse et la beauté de la vie familiale».