Le pape François a canonisé mercredi l'évangélisateur de la Californie Junipero Serra, très controversé chez les Amérindiens pour avoir contribué au dépérissement de leur culture, mais qui, selon le souverain pontife, «avait défendu leur dignité».

Devant 25 000 personnes rassemblées au sanctuaire national de l'Immaculée conception, et récitant la traditionnelle déclaration en latin, le pape a déclaré saint ce missionnaire espagnol mort en 1784.

François avait déclaré qu'il ne pouvait aller en Californie pour cette célébration et la ferait donc à Washington.

Cette canonisation, lors de la première messe de sa visite aux États-Unis, s'est accomplie au grand dam d'Amérindiens, qui estiment que ce moine franciscain a d'abord mis fin à leur culture. Il les avaient rassemblés et les avaient évangélisés dans des missions sous prétexte de les protéger de massacres et d'autres dangers extérieurs.

Le pape, qui apprécie les missionnaires et voulait se destiner à cette vocation dans sa jeunesse, a fermement défendu la figure du franciscain originaire de Majorque: «il a appris à faire naître et à accompagner la vie de Dieu dans les visages de ceux qu'il rencontrait, faisant d'eux ses frères. Junipero a cherché à défendre la dignité de la communauté autochtone, la protégeant de ceux qui lui faisaient subir des mauvais traitements».

«Ces maux continuent aujourd'hui à nous troubler, spécialement en raison de la douleur qu'ils provoquent dans beaucoup de personnes», a-t-il remarqué, en semblant faire allusion aux traumatismes des descendants de ces peuples réprimés par les conquistadores catholiques.

Certaines critiques avaient été très vives quand François avait décidé de canoniser ce missionnaire béatifié par Jean Paul II: «Nous dénonçons vivement la canonisation de celui qui a été le meurtrier de notre peuple et de notre culture», avait indiqué à l'AFP Toypurina Carac, porte-parole de la nation Kizh Gabrieleno, peuple autochtone de la région de Los Angeles.

Une pétition avait demandé instamment au pape François d'abandonner sa décision, mais celui-ci, étudiant le dossier, avait estimé que le franciscain avait été animé par l'amour de ces peuples.

«L'évangélisateur de l'Ouest» avait déjà été béatifié en 1988. La hiérarchie catholique américaine s'est réjouie de «ce cadeau fait à la Californie et aux Amériques».

Sous un chaud soleil, le pape a célébré une messe très solennelle devant une foule venue davantage pour apercevoir le pape argentin que pour célébrer la mémoire de ce missionnaire.

Le pape Jean-Paul II avait demandé pardon aux peuples amérindiens en 1992 pour les massacres commis à l'occasion de l'évangélisation, du XVe au XVIIIe siècles.

En 2007, le pape Benoît XVI avait provoqué une polémique lors d'un voyage au Brésil en niant que l'évangélisation des Amériques «ait comporté une aliénation des cultures précolombiennes». «Sans le savoir, les Amérindiens cherchaient le Christ dans leurs riches traditions religieuses. Avec l'eau du baptême, l'Esprit saint est venu féconder leurs cultures, les purifiant», avait-il dit.