L'information avait de quoi intriguer les amateurs de théories de conspiration: lors d'un entretien téléphonique survenu à la fin du printemps, Bill Clinton a encouragé Donald Trump à jouer un rôle plus important au sein du Parti républicain. Aussitôt dit, aussitôt fait: le 16 juin, l'homme d'affaires milliardaire a annoncé sa candidature à la présidence des États-Unis en tant que républicain.

Donald Trump a nié cette information publiée la semaine dernière dans les pages du Washington Post. Mais le fait est qu'il se comporte depuis le début de sa campagne comme une taupe démocrate dont l'objectif est de démolir les chances du Parti républicain de remporter l'élection présidentielle de 2016 et de rouvrir les portes de la Maison-Blanche aux Clinton.

Et le Donald s'y prend de façon systématique. Après les Latinos, il a insulté la semaine dernière un autre groupe démographique vu comme étant essentiel à la reconquête de la présidence par le Parti républicain: les femmes. Lors de l'élection présidentielle de 2012, seulement 44% d'entre elles ont voté pour Mitt Romney, le candidat du Grand Old Party.

Or, lors du fameux débat télévisé de jeudi soir dernier entre les candidats républicains, Donald Trump a d'abord ironisé en entendant l'animatrice de Fox News Megyn Kelly dire qu'il avait déjà traité des femmes de «chiennes, grosses truies, bonnes à rien et animaux dégoûtants». «Seulement Rosie O'Donnell», a interrompu l'ex-star de la téléréalité, sourire en coin, avant d'ajouter qu'il n'avait pas le temps d'être «politiquement correct».

Le lendemain, il en a remis en qualifiant Megyn Kelly de «ravissante idiote» sur Twitter et en semblant mettre ses «questions ridicules» sur le compte de ses menstruations. «On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son... où que ce soit», a-t-il dit lors d'une interview sur CNN.

Il s'est défendu par la suite d'avoir fait allusion au cycle menstruel de Kelly, affirmant n'avoir voulu parler que de «ses yeux ou son nez» et traitant de «pervertis» ceux qui avaient pensé autrement.

«Pensez-vous que je ferais une déclaration comme celle-là? Qui ferait une déclaration comme celle-là? Seule une personne malade pourrait même y penser», a-t-il déclaré hier sur CNN.

«Je chéris les femmes», a-t-il ajouté.

Qu'à cela ne tienne: plusieurs commentateurs et candidats républicains ont condamné les propos de Donald Trump. Leurs réactions avaient quelque chose de familier, rappelant le tollé soulevé par les commentaires désobligeants de l'homme à la chevelure orange au sujet du passé militaire de John McCain.

«Je n'en reviens pas», a déclaré Jeb Bush samedi soir lors d'une réunion organisée par le site conservateur RedState à Atlanta. «Voulons-nous gagner? Voulons-nous insulter 53% de l'électorat? Ce que Donald Trump a dit est mal.»

«Donald Trump s'est disqualifié lui-même», a renchéri Erick Erickson, l'organisateur de la réunion, qui avait décidé la veille de retirer au promoteur immobilier son invitation après avoir entendu ses propos sur CNN.

La réaction d'Erickson est sans doute révélatrice. L'homme ne peut pas être confondu avec un féministe. En fait, il est du genre à utiliser le terme «feminazis» pour dénigrer les émules de Gloria Steinem. Et il a été l'un des premiers à applaudir sur Twitter l'insulte de Donald Trump à Rosie O'Donnell lors du débat de jeudi dernier.

En attendant les sondages

Mais seuls les prochains sondages permettront de déterminer si, cette fois-ci, Donald Trump est vraiment allé trop loin. On se souvient qu'il avait augmenté son avance en tête des sondages pour l'investiture républicaine à la Maison-Blanche après ses propos sur John McCain.

Survivra-t-il à cette nouvelle «crise», un terme employé par certains médias américains? En attendant de connaître la réponse à cette question, il est important de noter que Donald Trump n'est peut-être pas le seul candidat à avoir nui à l'image du Parti républicain auprès des femmes jeudi soir dernier.

Le sénateur de Floride Marco Rubio, l'un des candidats majeurs, a profité de l'occasion pour défendre l'interdiction de l'avortement, même en cas de viol ou d'inceste, une position impopulaire auprès d'une forte majorité de femmes. Et le gouverneur du Wisconsin Scott Walker, un autre candidat majeur, a choisi d'éluder une question sur sa position concernant l'avortement pour sauver la vie de la femme. Selon le New York Times, la déclaration non équivoque du sénateur Rubio a provoqué la «jubilation» au sein de l'équipe d'Hillary Clinton.

Mais aucun candidat républicain n'est susceptible de faire autant plaisir au camp Clinton que Donald Trump. Même s'il exauce le voeu des bonzes républicains en se retirant de la course à l'investiture de leur parti, il pourrait revenir les hanter en tant que candidat indépendant, un scénario qu'il a de nouveau refusé d'écarter samedi.

«Si vous êtes riches, c'est faisable», a-t-il dit.

Bill Clinton lui passera peut-être un coup de fil pour lui dire qu'il a bien raison.