Elle avait déjà emménagé dans un appartement situé à l'intersection de Park Avenue et de la 79e Rue, au coeur du quartier le plus huppé de Manhattan.

Mariée à un gestionnaire de portefeuille, elle avait déjà exposé son garçon de 2 ans aux «auditions» requises pour être admis dans les garderies les plus réputées de l'Upper East Side, celles qui peuvent ouvrir les portes des meilleures écoles... primaires.

Elle avait déjà appris à décoder les règles secrètes pour réussir à obtenir et organiser des rendez-vous (playdates) entre son fils et les rejetons des «maîtres de l'univers» qu'il côtoyait à la garderie.

Mais elle avait réussi à maintenir une certaine distance par rapport à ce monde qui lui semblait aux antipodes du West Village, le quartier de Manhattan où elle vivait auparavant. Détentrice d'un doctorat en littérature comparée de l'Université Yale, Wednesday Martin avait étudié l'anthropologie à l'Université du Michigan, son État natal, et s'était donné comme mission de mener une étude ethnographique sur les mères de l'Upper East Side.

Or, «comme plusieurs anthropologues partout dans le monde, j'ai fini par me convertir à la culture locale [...], franchissant la ligne de démarcation entre la compréhension et l'identification», écrit-elle dans The Primates of Park Avenue, un livre à la fois amusant et perspicace qui sortira demain aux États-Unis, mais qui est déjà dans certaines librairies new-yorkaises.

Grande, mince et blonde, Wednesday Martin a atteint le point de rupture le jour où elle s'est convaincue qu'elle avait besoin d'un Birkin, le sac à main mythique d'Hermès, pour se faire respecter sur les trottoirs de l'Upper East Side à l'ouest de Lexington Avenue. Car elle avait remarqué que les femmes munies de grands sacs griffés avaient tendance à bousculer celles qui n'en avaient pas.

«[Ces sacs] étaient des cuirasses, des armes, des drapeaux, et plus: chaque femme qui en chargeait une autre semblait avoir un sac fantastique, et jouir de frôler son adversaire avec celui-ci», écrit Wednesday Martin dans The Primates of Park Avenue, un titre qui fait référence aux travaux de la primatologue Jane Goodall, idole de jeunesse de l'auteure.

Un «bonus» aux femmes

L'ouvrage de 242 pages a déjà fait couler beaucoup d'encre à New York, avant même sa sortie officielle. Le mois dernier, le New York Times en a publié un extrait qui contenait une révélation controversée: selon Wednesday Martin, les titans de l'Upper East Side versent à leurs femmes des «bonus» annuels pour leur rendement en tant que mères.

Des critiques ont reproché à l'auteur d'avoir qualifié de «bonus» ce qui est tout bonnement des cadeaux de Noël ou de fin d'année, offerts depuis toujours par les hommes riches à leurs femmes qui restent au foyer.

Qu'à cela ne tienne: l'extrait du livre de Wednesday Martin a suscité une avalanche de commentaires qui ont dû réjouir les producteurs d'une nouvelle série télévisée, Odd Mom Out, qui débutera lundi soir prochain sur la chaîne Bravo. La série met en vedette Jill Kargman, auteure de Momzillas, et raconte ses aventures parmi les mamans super riches de l'Upper East Side. Comme quoi le sujet semble porteur.

Odd Mom Out entend faire rire. The Primates of Park Avenue mise aussi sur l'humour, mais ses cibles riront jaune. Sous la plume de Wednesday Martin, les mamans de l'Upper East Side sont obsédées par la perfection. Elles embauchent des consultants pour apprendre à leurs enfants de 4 ans à jouer parce qu'ils ne savent pas comment s'y prendre après leurs leçons de musique, de chant, de mandarin, de français, de cuisine et de tennis.

Elles s'entraînent de façon obsessive pour avoir un corps tonique et ferme. Elles dépensent des sommes folles pour s'habiller, se coiffer et se maquiller pour toutes les occasions, y compris pour conduire leurs enfants à la garderie le matin.

La plupart de ces femmes ont obtenu des diplômes universitaires, mais ne travaillent pas. Elles se retrouvent souvent dépendantes de leur mari pour leur sécurité financière, un des plus grands facteurs de leur anxiété commune, selon Wednesday Martin. Une anxiété qu'elles noient dans l'alcool - de préférence le vin, la téquila et la vodka - ou chassent avec la marijuana ou les médicaments d'ordonnance: «Ativan. Xanax. Valium. Clonazépam.»

«Tout le monde le fait, donc personne ne le remarque», souligne Wednesday Martin, qui s'intéresse aussi à un autre produit populaire chez les mamans de l'Upper East Side: le botox.

Il va sans dire que l'auteur de Primates of Park Avenue perdra des amies dans l'Upper East Side. Mais elle ne semble pas trop s'en faire. Elle vit désormais dans l'Upper West Side où, a-t-elle confié au New York Post, les mamans ne font pas une obsession de «leurs dernières 10 livres à perdre et de leurs cheveux gris après la ménopause».