Les présidents américain Barack Obama et cubain Raul Castro ont eu samedi au Panama un tête-à-tête sans précédent depuis 1956 qui marque l'avènement d'une nouvelle ère dans les relations entre les deux ennemis de la Guerre froide.

À l'occasion du Sommet des Amériques et en marge de cet entretien qui fera date, les deux hommes ont multiplié les marques d'ouverture, sans omettre de souligner leurs nombreux points de désaccord hérités de plus d'un demi-siècle de tensions et d'affrontements.

M. Obama s'est aussi efforcé d'apaiser les tensions entre les États-Unis et le Venezuela, avec un autre entretien inédit, cette fois plus informel, avec le président Nicolas Maduro.

Face à M. Castro, le président Obama a remercié son homologue cubain pour son «esprit d'ouverture» et estimé qu'«avec le temps, il est possible pour nous de tourner la page et développer une nouvelle relation (...) même si nous avons des différences profondes et importantes», dans un bref point-presse conjoint avant cette entrevue d'environ une heure.

Cette rencontre consacre le réchauffement surprise annoncé mi-décembre entre les deux pays, qui permet de tourner la page de plus d'un demi-siècle de relations agitées depuis la révolution de Fidel Castro en 1959.

«Nous voulons parler de tout, mais nous devons être patients, très patients», a répondu Raul Castro, qui a succédé à son frère Fidel en 2006. «Cela a été une histoire compliquée, celle de nos pays, mais nous sommes disposés à avancer comme le dit» M. Obama, a-t-il poursuivi.

Après la rencontre, le président américain a fait état devant la presse de déclarations «franches et fructueuses». «Nous avons des visions très différentes sur la manière dont la société devrait être organisée. Et j'ai été très direct avec lui», a-t-il expliqué.

Un peu plus tôt, au moment des discours, les deux chefs d'État avaient célébré le retour de Cuba dans le concert continental après des décennies d'isolement.

Devant une trentaine de ses pairs, Barack Obama a affirmé que le rapprochement entre Washington et La Havane marquait «un tournant» pour les Amériques: «Le fait que le président Castro et moi soyons assis ici aujourd'hui représente un événement historique».

Un «homme honnête»

Après un long plaidoyer contre les ingérences des anciennes administrations américaines dans les affaires cubaines et latino-américaines, le dirigeant cubain a voulu saluer la probité du président des États-Unis, le qualifiant d'«homme honnête».

Il a aussi exprimé sa volonté d'avancer dans un «dialogue respectueux» aspirant à une «coexistence civilisée» en dépit de «profondes différences» entre les deux pays.

À l'ouverture du sommet continental réunissant 34 des 35 chefs d'État du continent, les deux hommes avaient échangé une poignée de main et quelques mots devant les caméras, réitérant leur geste historique de décembre 2013 en Afrique du Sud.

Au menu de leurs discussions figurait, selon la Maison-Blanche, la reprise des relations diplomatiques rompues en 1961, qui tardent à se concrétiser malgré trois séries de discussions de haut niveau à La Havane et Washington.

Raul Castro a incité son homologue à accélérer les démarches pour le retrait de Cuba de la liste des pays soutenant le terrorisme, dossier qui constitue pour Cuba le principal obstacle à la réouverture d'ambassades.

M. Obama a indiqué qu'il avait reçu une recommandation en ce sens du Département d'État, mais qu'il n'avait pas encore eu le temps de l'étudier avant de la transmettre au Congrès.

Devant la presse, le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez a annoncé que le prochain round de pourparlers pour la réouverture d'ambassades se tiendrait «le plus tôt possible».

L'entretien informel Obama-Maduro

Au-delà des relations diplomatiques, le chemin de la normalisation reste semé de nombreux points de contentieux, dont le premier est l'embargo total sur les transactions économiques et financières avec Cuba, imposé depuis 1962.

Le président cubain a une nouvelle fois insisté samedi sur la nécessité de «résoudre» cette question qui pénalise son pays.

Le sommet s'est terminé sans déclaration finale, les États-Unis refusant d'y voir mentionné un soutien à Caracas dans sa dispute avec Washington, qui a qualifié le Venezuela, principal partenaire économique de Cuba, de «menace» pour leur sécurité intérieure.

Ciblé par les critiques, le président Obama a eu «une brève conversation» avec son homologue vénézuélien Nicolas Maduro, selon une porte-parole de la Maison-Blanche.

À cette occasion, a-t-elle révélé, M. Obama a indiqué à son homologue que son but «n'était pas de menacer le Venezuela, mais de soutenir la démocratie, la stabilité et la prospérité au Venezuela et dans la région».

Il avait auparavant reconnu que le Venezuela ne représentait pas véritablement de menace pour les États-Unis.

Auparavant à la tribune, le président vénézuélien, qui s'exprimait alors que Barack Obama avait déjà quitté la salle, a de nouveau exigé le retrait d'un décret «disproportionné», tout en affirmant au président américain que s'il respectait le chef d'État américain, il ne lui «faisait pas confiance».

La prochaine édition du Sommet des Amériques se tiendra à Lima.