L'animatrice Oprah Winfrey l'avait affublé d'un surnom qui allait lui coller à la peau pendant plusieurs années: «maire de l'Amérique». Pour le président Jacques Chirac, il était «Rudy the Rock». Et l'hebdomadaire Time l'avait désigné «personnalité de l'année 2001», saluant à son tour sa gestion de la crise ouverte par la destruction des tours du World Trade Center lors des attentats du 11 septembre.

Selon le magazine américain, le maire de New York, Rudolph Giuliani, avait mérité cet honneur «pour avoir eu plus de foi en nous que nous en avions en nous-mêmes, pour avoir été courageux quand il le fallait, grossier lorsque cela était approprié et délicat sans sombrer dans la banalité, pour n'avoir pas dormi, pas renoncé et ne pas s'être dérobé à la souffrance autour de lui».

Les éloges des uns et les surnoms des autres permettent de mesurer le déclin d'un héros national, qui a tenu la semaine dernière des propos sur Barack Obama dignes de Sarah Palin, Rush Limbaugh et les autres ténors américains de la droite sectaire. Ce déclin pourrait n'inspirer que de la pitié pour un homme de 70 ans dont la carrière politique s'est terminée sur un fiasco humiliant (malgré sa renommée et des dépenses électorales de 50 millions de dollars, Rudolph Giuliani n'a récolté qu'un délégué lors de la course à l'investiture du Parti républicain pour l'élection présidentielle de 2008).

Mais les déclarations autodestructrices de «Rudy» témoignent d'un courant non négligeable au sein de la droite américaine. Et elles représentent un problème dont les aspirants républicains à la Maison-Blanche préféreraient sans doute se passer.

«Il ne vous aime pas»

Mais d'abord, quelles sont ces déclarations qui retiennent ces jours-ci l'attention de la classe politico-médiatique aux États-Unis? Lors d'une réception privée à New York au profit du gouverneur du Wisconsin Scott Walker, candidat potentiel à la présidence, Rudolph Giuliani a dénoncé le manque d'amour de Barack Obama pour le pays dont il est le président.

«Je sais que c'est horrible à dire, mais je ne pense pas que le président aime l'Amérique», a dit l'ancien maire de New York, dont les propos ont été rapportés par le site Politico.

«Il ne vous aime pas, il ne m'aime pas. Il n'a pas été élevé comme vous et moi dans l'amour de ce pays», a-t-il ajouté.

Même si plusieurs médias lui en ont donné la chance, Giuliani a refusé de se rétracter. En fait, il a relancé la polémique en affirmant que ses propos ne pouvaient être considérés comme racistes, étant donné que le président «a été élevé par une mère blanche, un grand-père blanc, qu'il a fréquenté des écoles blanches et que la grande part de ce qu'il dit lui a été enseigné par des personnes blanches», y compris «le socialisme et l'anticolonialisme» dont il serait l'apôtre.

Défendu par plusieurs

Rudolph Giuliani n'est évidemment pas le premier conservateur américain à remettre en cause l'attachement (ou l'appartenance) de Barack Obama aux États-Unis. Mais sa stature, toute déclinante soit-elle, confère à ses propos une importance que les aspirants républicains à la Maison-Blanche peuvent difficilement ignorer. Leurs réactions donnent une idée de la campagne qu'ils entendent mener, s'ils confirment leur candidature.

Le gouverneur de Louisiane Bobby Jindal, par exemple, s'est dit en accord avec «l'essentiel» du message de Giuliani. «Si vous cherchez quelqu'un pour condamner le maire, cherchez ailleurs», a-t-il dit.

Le sénateur de Floride Marco Rubio s'est montré, de son côté, plus critique. «C'est très simple: je pense que le président aime l'Amérique. Mais ses idées sont mauvaises.»

Aucun candidat officieux n'a cependant osé dénoncer nommément l'ancien maire de New York, qui a par ailleurs été défendu par plusieurs ténors médiatiques de la droite, dont Limbaugh et Sean Hannity.

L'attention des médias fait sans doute l'affaire de Rudolph Giuliani, dont la majorité des revenus provient désormais des conférences qu'il donne. Plus on parle de lui, plus il est demandé.

Certains de ses auditeurs voient encore en lui un personnage de la trempe de Winston Churchill, qui fait d'ailleurs partie de son panthéon personnel. Mais ses déclarations sur Barack Obama terniront pour d'autres la réputation dont Rudolph Giuliani jouissait en tant que «maire de l'Amérique».

Et elles rappelleront la description qu'avait faite de lui le célèbre chroniqueur Jimmy Breslin, au temps où Rudolph Giuliani se faisait des ennemis à New York en raison de ses manières autocratiques: «Il est un petit homme à la recherche d'un balcon.»